Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
les
connaissances militaires des Sarmates, leurs alliés [2123] . Les garnisons
de la frontière ne suffisaient pas pour les arrêter, et l’indolent monarque fut
enfin obligé de rappeler des extrémités de ses États l’élite des troupes
palatines, et de se mettre lui-même à leur tête. Cette guerre l’occupa
sérieusement pendant une campagne entière, durant l’automne qui la précéda et
le printemps dont elle fut suivie. L’empereur passa le Danube sur un pont de
bateaux, tailla en pièces tout ce qui se présenta devant lui, pénétra dans le
cœur du pays des Quades, et leur rendit avec usure les maux dont ils avaient
affligé les provinces romaines. Les Barbares, épouvantés, furent bientôt forcés
de demander la paix. En réparation du passé, ils offrirent la restitution de
tous leurs prisonniers, et les plus distingués de leur nation pour otages et
pour garants de leur conduite à l’avenir. La réception favorable et flatteuse
qu’obtinrent les premiers d’entre leurs chefs qui implorèrent la clémence de
l’empereur, encouragea les plus timides ou les plus obstinés à suivre leur
exemple : le camp impérial fut rempli d’une foule de princes et d’ambassadeurs
des tribus les plus éloignées, qui occupaient les plaines de la petite Pologne,
et qui auraient pu se croire en sûreté derrière la chaîne escarpée des
montagnes Carpathiennes. En faisant la loi aux Barbares qui habitaient au-delà
du Danube, Constance parût sensible au malheur de Sarmates, qui, chassés de
leur pays par leurs esclaves révoltés, s’étaient réfugiés chez les Quades, dont
ils avaient considérablement augmenté la puissance. L’empereur embrassant un
système de politique adroit autant que généreux, tira les Sarmates de cet état
de dépendance humiliante. Par un traité séparé, il les rétablit en corps de nation
amie et allié de là république, sous le gouvernement d’un monarque ; il déclara
qu’il avait résolu de soutenir la justice de leur cause, et d’assurer la paix
de leurs provinces par la destruction ou du moins par le bannissement des
Limigantes, qui conservaient tout les vices et toute la bassesse de leur
méprisable origine. L’exécution de ce dessein offrait moins de gloire que de
difficultés. Le territoire des Limigantes était défendu du côté des Romains par
le Danube, et par la Theiss du coté des Barbares. Le terrain marécageux qui
séparait ces deux rivières, fréquemment inondé de leurs eaux, présentait un
labyrinthe dangereux et inabordable, excepté pour les habitants qui en
connaissaient les passages secrets et les forteresses inaccessibles. A l’approche
de Constance, les Limigantes eurent alternativement recours aux supplications,
aux armes et à la perfidie. Il rejeta sévèrement leurs prières ; et après avoir
éventé leurs grossiers stratagèmes, il repoussa les efforts irréguliers de leur
valeur par une conduite prudente et courageuse. Une des plus guerrières de
leurs tribus s’était fixée dans une petite île au confluent de la Theiss et du
Danube. Elle avait consenti à passer la rivière sons le prétexte d’une
conférence amicale, pendant laquelle ces Barbares projetaient de se saisir de
l’empereur ; qu’ils ne croyaient pas sur ses gardes. Mais les traîtres furent
victimes de leur entreprise ; environnés de toutes parts, écrasés par des
chevaux de la cavalerie, hachés par les légions, et dédaignant de demander
quartier, ils périrent les armes à la main, et conservèrent jusqu’au dernier
soupir leur maintien farouche et leur air de férocité. Après cette victoire, un
corps considérable de Romains passa sur la rive opposée du Danube. Les Taifalæ,
tribus des Goths, qui s’étaient engagés au service de l’empire, entourèrent les
Limigantes de l’autre côté de la Theiss. Leurs anciens maîtres, les Sarmates
libres, animés par l’espoir et la vengeance, gravirent les montagnes et
pénétrèrent dans le cœur du pays qui leur avait appartenu. Un incendie général
fit découvrir les huttes des Barbares qui s’étaient retirés dans le fond du
désert, et le soldat combattit avec intrépidité sur un terrain marécageux, où
l’on courait à chaque pas le danger d’être englouti. Les plus braves des
Limigantes avaient résolu de se défendre jusqu’à la mort ; mais l’autorité des
vieillards fit prévaloir un avis moins violent. Les suppliants en foule se
rendirent au camp des Romains, suivis de leurs
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