Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
pu fournir des
armées susceptibles de subjuguer l’univers ; atteste les crimes de l’Europe et
la faiblesse des Africains.
IV . Les Romains avaient fidèlement exécuté le traité
ignominieux auquel l’armée de Jovien devait de son salut, et leur renonciation
solennelle à l’alliance de l’Arménie et de l’Ibérie exposait ces deux royaumes,
sans défense, aux entreprises du monarque persan [2976] . Sapor entra
dans l’Arménie à la tête d’un corps formidable de cuirassiers, d’archers et
d’infanterie mercenaire. Mais ce prince s’était fait une habitude invariable de
mêler les négociations aux opérations militaires, et de considérer le parjure
et la trahison comme les plus utiles instruments de la politique des
souverains. Il affecta de donner des louanges à la conduite prudente et modérée
du roi d’Arménie ; et le crédule Tyratius, trompé par les démonstrations
répétées de sa fausse amitié, se laissa persuader de remettre sa personne et sa
vie au pouvoir d’un ennemi perfide et cruel. Au milieu d’une fête brillante, on
le garrotta de chaînes d’argent, par respect pour le sang des Arsacides ; et,
après un séjour de peu de temps dans la tour d’oubli à Ecbatane, il fût délivré
des misères de la vie ou par sa propre main, ou par celle d’un assassin. Le
royaume d’Arménie devint une province de la Perse. Sapor, après en avoir
partagé l’administration entre un satrape d’un rang distingué et un de ses
eunuques favoris, marcha sans perdre de temps contre les belliqueux Ibériens.
Ses forces supérieures expulsèrent Sauromaces, qui régnait en Ibérie sous la
protection des empereurs ; et, pour insulter à la majesté de Rome, le roi des
rois mit la couronne sur la tête de son ignoble vassal Aspacuras. Dans toute
l’Arménie, la ville d’Artogerasse [2977] osa seule résister aux armes de Sapor. Le trésor déposé dans cette forteresse
tentait l’avarice du Persan ; mais Olympias, femme ou veuve du roi d’Arménie,
excitait la compassion publique, et animait jusqu’au désespoir la valeur des
citoyens et des soldats, Les Persans furent surpris et repoussés sous les murs
d’Artogerasse, dans une sortie audacieuse et bien concertée ; mais les troupes
de Sapor se renouvelaient et s’augmentaient sans cesse ; la garnison épuisée
perdait courage ; un assaut emporta la place, et l’orgueilleux vainqueur, après
avoir détruit la ville par le fer et par la flamme, emmena captive une reine
infortunée qui, dans des temps plus heureux, avait été destinée à épouser le
fils de Constantin [2978] .
Mais Sapor s’était trop tôt flatté de la conquête de deux royaumes subordonnés
; il eut bientôt lieu d’apercevoir qu’une conquête est toujours mal assurée quand
les sentiments de la haine et de la vengeance restent dans le cœur des
citoyens. Les satrapes, qu’il était forcé d’employer, saisirent la première
occasion de regagner la confiance de leurs compatriotes, et de signaler leur
haine implacable pour les Persans. Les Arméniens et les Ibériens, depuis leur
conversion, regardaient les chrétiens comme les favoris de l’Être suprême, et
les mages comme ses ennemis. L’influence qu’exerçait le clergé sur des peuples
superstitieux fut constamment employée en faveur des Romains. Tant que les
successeurs de Constantin avaient disputé à ceux d’Artaxerxés la possession des
provinces intermédiaires de leurs États, les liens de fraternité établis par la
religion avaient donné un avantage décisif aux prétentions de l’empire. Une
faction nombreuse et active reconnut Para, fils de Tyranus, pour le légitime
souverain de l’Arménie ; ses droits au trône étaient consacrés par une
succession de cinq cents ans. Du consentement unanime des Ibériens, les deux
princes rivaux partagèrent également les provinces ; et Aspacuras, placé sur le
trône par le choix de Sapor ; fut obligé de déclarer que ses enfants, en otage
chez le roi de Perse, étaient là seule considération qui l’empêchât de renoncer
ouvertement à son alliance. L’empereur Valens, qui respectait la foi du traité,
et qui craignait d’ailleurs d’envelopper l’Orient dans une guerre dangereuse,
ne se permit qu’avec beaucoup de lenteur et de précautions de porter secours,
en Arménie et en Ibérie, aux partisans des Romains. Douze légions établirent
l’autorité de Samomaces sur les rives du Cyrus, et la valeur d’Arinthæus
défendit les
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