Joséphine, l'obsession de Napoléon
l’arrestation et de l’exécution du duc d’Enghien, qu’il avait pourtant lui-même demandées. Il termina sa diatribe en lui lançant :
— Vous n’êtes que de la merde dans un bas de soie ! Joséphine, consternée, assistait à ces déversements d’intrigues et ces débordements de violence sans rien pouvoir y faire. L’air des cimes n’était pas seulement ravagé par des tempêtes, il était également irrespirable.
Sur quoi en avril, une fois de plus, elle accompagna Napoléon à Strasbourg, point de départ de ses campagnes à l’Est. Le départ fut précipité, comme si souvent : l’Impératrice n’eut qu’une heure pour s’y préparer. À l’arrivée, Napoléon ne resta que le temps de prendre un bain avant d’aller rejoindre ses troupes à une heure du matin. Il avait projeté de partir sans même la prévenir, mais elle avait entendu les équipages. Le valet de chambre de l’Empereur, Constant, raconte qu’elle quitta son lit en chemise de nuit et en pantoufles, pleurant comme une enfant. Napoléon lui jeta sa pelisse sur les épaules, puis donna l’ordre qu’on fît porter à l’Impératrice les bagages qui n’avaient pas encore été déchargés. Sur ce, il se mit en route.
Elle ne le reverrait pas avant octobre. En trois ans, depuis 1806, il avait été absent vingt-cinq mois, deux ans sur trois.
Le séjour à Strasbourg fut lugubre. Des charrettes de blessés passaient sans cesse dans les rues. Joséphine quitta la ville avec soulagement pour aller à sa cure de Plombières. Elle y retrouva Hortense.
Mère et fille tentèrent de suivre les opérations. Elles n’en reçurent que des informations espacées, et il eût fallu une carte d’état-major et un commentateur militaire pour comprendre ce qui se passait. Elles perçurent toutefois que l’avantage n’était pas à la Grande Armée aussi franchement qu’il l’avait été dans la précédente campagne. Les Autrichiens avaient, cette fois, pris l’initiative de l’offensive, et l’archiduc Charles n’était pas un chef militaire sans ressources. De plus, les généraux, Davout, Lefebvre, Oudinot, Berthier, Wrede, n’avaient pas exactement respecté les ordres de l’Empereur et une certaine confusion en avait résulté. Le coeur de Joséphine bondit dans sa poitrine quand elle apprit que Napoléon avait été blessé devant Regensburg. Dieu merci, la blessure était légère. Puis l’Empereur était entré une nouvelle fois à Vienne. Mais le Danube en crue s’en était mêlé, comme s’il voulait contrarier Napoléon, et plus de cent mille hommes s’étaient trouvés isolés sur l’île de Lobau, en face de Vienne…
Le 6 juillet, Joséphine respira plus librement : l’Empereur avait battu l’archiduc Charles à Wagram. Le 11, l’armistice fut signé.
Mais les négociations qui changeraient l’armistice en traité de paix seraient longues. Napoléon s’installa à Schönbrunn. Joséphine n’y fut pas conviée. Elle partit pour la Malmaison. Une missive bien sèche, datée du 31 août, l’y trouva :
Je n’ai pas reçu de lettres de toi depuis plusieurs jours : les plaisirs de Malmaison, les belles serres, les beaux jardins font oublier les absents : c’est la règle, dit-on, chez vous autres… Adieu, mon amie.
Qui désignaient ces mots méprisants, « vous autres » ? Elle ne répliqua pas : elle en savait assez. Il avait fait venir auprès de lui la comtesse Marie Walewska. Et, de nouveau, celle-ci habitait le palais comme si elle était chez elle. Elle y demeura trois mois : le temps d’être enceinte.
Il est impossible de comprendre aujourd’hui le comportement de Marie Walewska. Pour certains historiens, elle serait tombée amoureuse de Napoléon. L’hypothèse est difficile à soutenir : elle s’était quasiment laissé vendre à l’Empereur dans l’espoir qu’il resterait fidèle à sa promesse de créer une Pologne libre ; mais il y avait cruellement forfait à Tilsit. La comtesse avait donc été à la fois trahie et humiliée, voire déshonorée. Avait-elle donc si peu d’amour-propre qu’elle courût encore à la rencontre de l’homme qui maintenait son pays en sujétion ? Qu’elle abandonnât mari, fils et amis patriotes ? Car ce fut elle qui prit l’initiative d’écrire à Napoléon et demanda expressément à aller à Schönbrunn.
Adhérer à l’hypothèse de l’irrépressible amour, c’est vraiment là prêter peu de foi aux femmes.
Reste la
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