La Fausta
recommandé aux serviteurs de tenir la maison en état pour le jour prochain où il y rentrerait avec la duchesse d’Angoulême, il sortit.
Dehors, Violetta se suspendit à son bras. Et serrés l’un contre l’autre, palpitants tous deux, les yeux noyés d’extase, sans prononcer un mot, ils marchèrent vers l’église Saint-Paul.
* * * * *
Onze heures du soir !… C’était le moment où Claude et Farnèse écoutaient, dans la maison de Fausta, la sentence du tribunal secret qui les condamnait à mourir. C’était enfin le moment où la somptueuse et fantastique vision disparaissait aux yeux des condamnés, et où, livides, la gorge en feu, ils voyaient se lever devant leurs regards affolés ces spectres de la faim et la soif qu’avait évoqués Fausta.
Lorsque le panneau se fut refermé, lorsque Fausta, debout sur son trône, eut donné la bénédiction des trois doigts que donnent les papes, ceux qui l’entouraient se retirèrent lentement. Cardinaux, évêques, gentilshommes, tous sortirent. Les gardes seuls demeurèrent à leurs places, alignés, statues d’acier qui semblaient immuables.
Fausta descendit lentement de son trône et gagna une chambre à coucher dont la simplicité presque cénobitique eût stupéfait quiconque fût parvenu là après avoir visité les merveilles entassées dans ce palais. C’était sa chambre, à elle. Nul n’y pénétrait. Myrthis et Léa, ses deux suivantes, étaient les seules qui eussent permission d’y entrer.
Elles étaient là, attendant leur souveraine. Elles la déshabillèrent du splendide costume qu’elle portait. Et alors elle revêtit ces mêmes vêtements de gentilhomme sous lesquels elle s’était présentée à l’hôtel de la rue des Barrés. Alors elle se rendit dans cette salle élégante qui pouvait passer pour le boudoir d’une jolie femme. Un homme était là qui attendait, assis, et qui à l’entrée de Fausta se leva vivement et s’inclina.
— Etes-vous prêt à tout ce que nous avons convenu ce soir ? demanda Fausta.
— Je suis prêt, madame, répondit l’homme d’une voix où tremblait une émotion — crainte ou espérance.
— Venez donc, alors !…
Ils sortirent ensemble du palais de la Cité. Dehors attendait une escorte d’une vingtaine de cavaliers. Fausta monta à cheval et, se mettant en route, fit signe à l’homme de marcher près d’elle. Et ils se mirent à parler à voix basse. La troupe, avec Fausta et l’homme en tête, se dirigea du côté de la rue Saint-Antoine après être sortie de la Cité.
Cet homme qui attendait Fausta, qui venait de monter à cheval et se tenait près d’elle, c’était le sire de Maurevert.
* * * * *
Charles et Violetta arrivèrent à l’église par la rue des Prêtres-Saint-Paul, au moment où la demie de onze heures tombait dans la nuit des temps. Un instant, les vibrations sonores de la cloche gémirent dans l’air calme, puis tout retomba à cet énorme silence du Paris nocturne d’alors.
Charles, dans le court trajet de la rue des Barrés à l’église Saint-Paul, avait bien entrevu des ombres se glissant au long des murs, apparaissant pour disparaître aussitôt ; mais il avait pensé que c’étaient des tire-laine, gens peu redoutables pour un homme bien décidé, et il s’était contenté d’assurer dans sa main le manche de sa bonne dague. Quant à Violetta, elle n’avait rien vu, rien entendu. Suspendue au bras de son fiancé, elle eût traversé sans s’en apercevoir une légion de démons.
Devant la porte de l’église, Charles s’arrêta et regarda autour de lui, non qu’il eût quelque soupçon ou qu’il craignît une attaque, mais pour voir s’il n’apercevrait pas ceux qui l’attendaient. Il ne vit personne. Mais il s’aperçut aussitôt que la porte était entrouverte. Donc, on l’attendait à l’intérieur.
— Entrons ! murmura-t-il palpitant.
Ils entrèrent. L’église était vaguement éclairée par deux cierges allumés au maître-autel. Près du chœur, il entrevit alors trois hommes debout qui, formés en groupe, semblaient attendre en causant entre eux.
— Les voici ! dit Charles.
— Mon père ? demanda Violetta.
— Oui, votre père, chère âme… et voici… oh ! voici le prêtre qui va nous unir…
Ils frissonnèrent tous deux longuement et se serrèrent l’un contre l’autre, dans une douce étreinte, arrêtés près de la porte en cette minute de ravissement et de pur bonheur. Le prêtre revêtu de
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