La guerre des rats(1999)
Tania.) Tu recrutes, maintenant ? Danilov va être jaloux, c’est son secteur. (Il revint aux deux hommes.) Après ce soir, vous pouvez leur dire adieu, aux filles, annonça-t-il sans élever la voix. Terminé. Compris ?
Shaïkine et Tchekov acquiescèrent. Zaïtsev s’inclina devant les prostituées avec une déférence affectée.
— Mesdames, les salua-t-il. (Puis il s’approcha de Tania et la saisit par le coude.) Toi, tu pars.
Elle se libéra.
— Comment ça, je pars ? S’ils restent, je reste aussi.
Shaïkine leva les bras d’exaspération et gémit comme si on l’avait embroché.
— Et toi, qu’est-ce que tu fais ici ? lança Tania à Zaïtsev d’un ton dur.
— Première classe Tchernova, tu viens de recevoir un ordre.
— De qui ?
— De ton adjudant.
Tania éclata de rire.
— Tu es toujours mon adjudant dans un bordel ?
Zaïtsev souleva le battant de la porte.
— Ça suffit.
Il saisit Tania par le poignet, la tira vers l’extérieur. De sa main libre, elle le frappa dans le dos.
— Hé, Tania, sois pas comme ça, c’est juste pour rigoler, plaida Tchekov.
— Je te l’avais dit, Anatoli, marmonna Shaïkine.
Une fois dehors, Zaïtsev libéra la jeune femme et lâcha le battant, qui se referma en claquant. Elle s’éloigna d’un pas rageur. Il courut derrière elle, la saisit de nouveau par le bras pour la tourner vers lui.
— Qu’est-ce que tu faisais dans cette cave ?
Elle tenta de se dégager, mais il lui prit le bras à deux mains et tira brutalement.
— Arrête. Qu’est-ce que tu faisais là-dedans ? répéta-t-il.
Il ose me demander ça ? se révolta-t-elle. Il va chez les putes et il me demande ce que j’y fais ?
— Shaïkine et Tchekov m’ont invitée, je suis allée voir comment c’est. Et toi, qui t’a invité ? (Elle porta vivement sa main libre à l’entrejambe de Zaïtsev.) Ce truc ? (Elle ôta sa main avant qu’il réagisse.) Laisse-moi tranquille.
Il lui lâcha le bras.
— Calme-toi. Écoute-moi.
Les mains sur les hanches, elle écarta les jambes, comme si elle s’attendait à ce que le sol bouge sous elle. Zaïtsev fit deux pas en arrière. Il croit que je vais lui envoyer un swing, pensa-t-elle. Il a peut-être raison.
— Je suis venu te sortir de là, expliqua-t-il, remuant les mains pour illustrer ses propos. Après t’avoir laissée dans la tranchée, je suis revenu. Pour te parler. Et je t’ai vue partir avec les deux autres, dans cette direction. Le temps que je comprenne où vous alliez et que je vous rattrape, vous étiez déjà à l’intérieur.
Tania montra les portes de la cave sur la neige.
— Et tu avais besoin de me traîner dehors comme ça ? Pourquoi moi et pas Shaïkine et Tchekov ?
Il indiqua la cave lui aussi.
— Ce… c’est un endroit pour hommes.
— Et je n’ai pas ma place dans un endroit pour hommes, dit Tania, baissant le bras et la voix. C’est ça ?
Zaïtsev prit une inspiration pour se donner le temps de trouver une réponse. Bredouille, il haussa les épaules. Si un roi blanc en échec pouvait hausser les épaules, c’est à ça qu’il ressemblerait, pensa-t-elle.
— C’est ça, Vasha ? répéta-t-elle. Qu’est-ce que je dois faire pour que tu me traites en égale ? S’il faut tuer plus, dis-le. Je le ferai.
— Taniouchka, t’es une femme, argua-t-il.
— Ah ! je vois, fit-elle, sarcastique. C’est ce qui gêne. Mon corps. Merci de me faire comprendre si clairement ce que je dois faire. Cesser de faire l’amour avec toi. (Elle claqua des doigts.) Voilà, c’est fini. Maintenant, je ne suis plus une femme. Je suis un tireur d’élite comme les autres.
— Tania…
— Non. On parle d’homme à homme, maintenant. Manifestement, tu es déjà venu ici, camarade adjudant. Pourquoi tu ne retournes pas participer à la petite fête dans cet endroit pour hommes ? Presse-toi, ça ferme après le coucher du soleil. Mais tu dois le savoir.
Sur ce, elle se mit à courir dans les ruines.
Tania chercha quelque chose à lancer quand elle entendit les pas de Zaïtsev approcher de l’autre côté de la couverture.
Près d’elle, sur le sol de la casemate des tireurs d’élite, il y avait une bouteille de vodka pleine. Elle avait essayé de boire pendant l’heure où elle était restée assise dans son coin glacé, mais se soûler ne l’intéressait plus. Juste une façon de plus de se sentir mal dans sa peau, pensa-t-elle. J’en connais déjà assez.
Elle empoigna la bouteille par
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