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La mort du Roi Arthur

La mort du Roi Arthur

Titel: La mort du Roi Arthur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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Souvent lui revenaient en mémoire quels peines et tourments que son fils avait infligés à l’enchanteur Éliavrès. « Scélérat ! s’écriait-elle alors, Dieu venge de manière éclatante les maux que tu as fait souffrir à tes père et mère ! Fais pénitence, maintenant, car chacun de tes jours va se consumer dans la gêne, en attendant celui où la mort te viendra prendre. D’ici là, tu ne connaîtras pas l’ombre d’un répit ! »
    Or, si les servantes qui lui tenaient compagnie dans la tour l’entendaient trop bien maudire son propre fils, elles n’eussent pour rien au monde alerté le roi, de crainte de redoubler sa colère. Elles ne doutaient pas qu’au premier mot celui-ci se mettrait dans une telle rage contre la reine son épouse que, non content de la chasser du royaume, il la tuerait, telle une bête malfaisante. Et, de tout ce temps, Karadoc endurait d’horribles souffrances à cause du serpent qui, enroulé autour de son bras, lui ravissait progressivement toute force et toute vitalité {14} .

2
 
La Femme au Sein d’Or
    En apprenant la mésaventure de Karadoc, le roi Arthur fut bouleversé. Il se trouvait alors sous un charme, dans un bois proche de Carduel et, dans la violence de son chagrin, il glissa évanoui au sol. À peine revenu à lui, il se lamenta longuement, se reprochant d’avoir laissé partir le jeune homme. « Hélas ! s’écria-t-il, il aurait mieux valu que je meure le jour où je lui ai permis de s’en aller tout seul sans l’accompagner ni envoyer Gauvain ou Yvain l’aider. Que puis-je maintenant pour lui ? Malheur ! Ah ! si Merlin était ici, il saurait bien ce qu’il convient d’entreprendre pour conjurer le sort ! » Et, pendant toute la soirée, le roi Arthur se désola de la sorte, au grand chagrin de tout son entourage.
    Quant à Guinier, sitôt qu’elle eut vent des maux de Karadoc, une telle angoisse lui broya le cœur qu’elle ne savait plus ni où ni qui elle était. Livide et baignée de sueur froide, elle demeura longtemps pâmée avant de reprendre conscience et, quand elle se redressa, l’affolement la fit durement divaguer. Elle éclata en sanglots et se mit à maudire le jour de sa naissance. « Dieu tout-puissant, criait-elle, tu t’es montré trop injuste envers moi ! Pourquoi m’avoir pris mon ami ? Je t’en tiendrai rancune, je te le jure ! Doux Seigneur Dieu, si je l’avais vu seulement une fois avant qu’il ne meure, ma confiance en toi serait deux fois plus forte, et la voici pour l’heure bien faible et bien trouble ! Ah ! malheureuse que je suis ! Ô mort, mort ignoble et infâme ! Est-ce d’un tel héros que tu fais ta victime ? Pourquoi vouloir t’en emparer si tôt ? Est-ce vraiment pour me désespérer que tu veux me ravir mon ami que j’aime d’un si grand amour ? »
    Son frère Cador n’était pas moins affligé qu’elle, et il manifestait un tel chagrin que ses compagnons ne savaient comment lui venir en aide. Enfin, après avoir fait préparer un bateau pour aller retrouver celui qui était son compagnon d’armes et le bien-aimé de sa sœur, il prit la mer avec elle sans plus tarder. Tous deux bientôt parvinrent de la sorte en Bretagne armorique, et là, chevauchant par monts et par vaux, ils se dirigèrent vers la forteresse du roi de Vannes. La rumeur eut tôt fait de se répandre dans le pays que Cador de Cornouailles, accompagné de sa sœur, la belle Guinier, venait rendre visite à Karadoc et l’assister dans son malheur. Or, cette nouvelle, au lieu de le réconforter, aggrava l’état du blessé. Perplexe sur la conduite à suivre, il ordonna à ceux qui l’entouraient de se retirer. Sa misère lui inspirait tant d’horreur qu’il préférait demeurer seul afin de méditer.
    « Doux Seigneur ! murmurait-il, comme elle va me mépriser, celle que j’aime plus que tout au monde, en voyant mon visage et mon corps tout noircis ! Quelle horreur lui fera éprouver cette immonde bête nouée à mon bras ! Et, certes, elle n’aura pas tort car, en vérité, je ne suis pas digne d’être son ami. Quant à moi, comment supporter que la plus belle créature qu’ait jamais modelée la nature soit témoin de mon sort affreux ? Hélas ! quelle torture ! Me voici partagé entre deux désirs, le désir de voir mon amie, de me repaître de sa beauté, et le désir de la fuir pour lui épargner le spectacle ignoble de ma personne ! » Et, de toute la journée, il demeura sur son

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