La naissance du roi Arthur
cette union. De plus, quelque chose
l’intriguait dans le comportement de son mari, car chaque semaine il
disparaissait pendant deux jours et trois nuits sans jamais dire où il allait.
La dame lui avait bien demandé des explications, mais il s’y était toujours
refusé. À la fin, elle s’était faite plus pressante que jamais. « Je ne
peux rien te révéler, dit-il, car si je le faisais, je serais en grand
danger. » – « Mais c’est lorsque tu n’es pas là que tu es en grand
danger, et je suis tout angoissée à ton sujet ! » Lionel avait alors
consolé sa femme, prenant ses interrogations pour des marques d’amour sincère.
La dame n’avait pas insisté, certaine qu’il demeurerait sur son refus. Mais un
soir, elle avait versé une poudre dans le breuvage de son mari, une poudre
qu’elle savait propice à faire parler pendant le sommeil. Et elle avait attendu
patiemment qu’il se fut endormi.
Alors, très doucement, elle lui avait chuchoté à
l’oreille : « Que fais-tu quand tu t’absentes deux jours et trois
nuits ? » Elle l’avait entendu murmurer : « Femme, je
deviens un loup. » Elle avait été quelque peu incrédule devant une telle réponse,
et elle avait répété plusieurs fois sa question. « Mais alors, s’il est
vrai que tu deviens loup, dis-moi comment tu t’y prends. » – « Femme,
je me mets tout nu dans la forêt. » – « Et après, que
fais-tu ? » – « Je cours pendant la nuit et je me cache pendant
le jour. » – « Est-ce parce que tu quittes tes vêtements dans la
forêt que tu deviens loup ? » – « Oui, femme, c’est à la suite
d’une malédiction que je suis obligé de devenir loup pendant une partie de la
semaine. » – « Mais où caches-tu tes vêtements ? » –
« Femme, dans la forêt, sur le bord du chemin par lequel je vais, se
dresse une vieille chapelle. C’est là, sous un buisson, que se trouve une
pierre creuse et large. J’y cache mes vêtements et je les y reprends lorsque je
rentre à la maison. Mais si, par malheur, je ne retrouvais pas mes vêtements,
je resterais loup le reste de ma vie. »
Ainsi s’était exprimé le chevalier Lionel dans son sommeil
par la vertu de la poudre que sa femme lui avait versée dans son breuvage. Et
ayant surpris le secret de son mari, elle avait eu l’idée de se débarrasser de
lui dans les meilleures conditions possibles. Elle savait que le baron Ythier
l’aimait. Il l’avait souvent pressée de répondre à sa passion et elle savait
qu’il serait prêt à agir comme elle le lui demanderait. Elle l’avait donc
rencontré en secret et lui avait promis de l’épouser s’il lui obéissait. Puis
elle lui avait expliqué ce qu’elle attendait de lui.
Quand le moment était venu, le chevalier Lionel était parti
pour la forêt. Mais Ythier, qui se tenait aux aguets, l’avait suivi. Il avait
vu l’endroit exact où Lionel cachait ses habits. Il avait laissé partir le
loup, et, après avoir prudemment attendu, il s’était emparé des vêtements et
les avait rapportés à la dame. Et depuis, le chevalier Lionel ne pouvait plus
retrouver sa forme humaine et courait dans les bois tout au long de l’année.
On rapporta les aveux de la femme au roi Loth et à Merlin.
« Je comprends tout, maintenant ! dit le roi. Mais que faire pour
qu’il redevienne un homme ? » Merlin répondit : « Fais
demander à la femme où se trouvent les habits du chevalier. » La femme
indiqua la cachette où elle avait rangé les vêtements et on alla les chercher.
Tout joyeux, le roi voulut immédiatement les apporter au loup. « Non, dit
Merlin. Il ne faut pas agir ainsi, car sache que, pour rien au monde, ton ami
ne voudrait revêtir ces habits ni muer son aspect de bête en présence de
témoins. Où se trouve actuellement celui qui est encore sous sa forme de
loup ? » – « Dans ma chambre », répondit le roi. –
« Alors, dit Merlin, fais mettre les habits dans une chambre juste à côté
de la tienne, et qui ait une communication avec celle-ci. Qu’on fasse cela
discrètement, sans prononcer aucune parole, et qu’on entrouvre la porte le plus
silencieusement possible. Il devra rester seul et découvrir lui-même les
habits. » Le roi donna ses ordres : les habits furent donc placés
dans une chambre attenante à celle où se trouvait le loup, et l’on ouvrit
discrètement la porte qui communiquait avec elle. Puis l’on se retira en
silence.
Deux heures
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