La Prophétie des papes
bien. »
Contrairement à tout ce que son instinct lui dictait, Elisabetta lui ouvrit. Elle sâattendait à une agression physique sur sa personne, mais il se contenta de la suivre en silence jusquâau salon et sâassit. Tremblay était moins imposant dans cette position, croisant ses longues jambes de mante religieuse et ses mains grêles sur ses genoux. Il avait apporté un mince dossier en cuir quâil coinça entre sa cuisse et lâaccoudoir du fauteuil.
« Je suis heureux que vous nâayez pas été blessée, dit-il.
â Vous avez entendu parler des événements de la nuit dernière ? » demanda-t-elle, toujours debout.
Il hocha la tête.
Elle ne pouvait ignorer les lois de lâhospitalité.
« Voulez-vous une tasse de thé ou de café ?
â Non, merci. Je voudrais juste vous parler.
â Alors commencez donc par me dire qui vous êtes.
â Le père Pascal Tremblay.
â Je connais votre nom.
â Je travaille pour le Vatican.
â Câest ce que jâai compris, dit-elle dâun ton glacial.
â Je suis désolé de me montrer si réservé. Vous voyez, les informations ne sortent pas facilement de ma bouche. Jâai appris à être discret. Disons, plus que discret. Secret.
â Qui vous a appris cela ?
â Mes supérieurs. En fait, mon supérieur. Je nâen ai quâun.
â Et qui est-il ?
â Je dépends du cardinal Diaz, le doyen du Collège des cardinaux. Je chuchote à son oreille, il chuchote dans celle du pape.
â à propos deâ¦Â ?
â Du mal, répondit-il simplement. Jâaccepterais volontiers du thé, si votre offre tient toujours. »
Elisabetta le laissa, essayant de retrouver son calme, en attendant que lâeau bouille. Elle perdit un peu la notion du temps, mais le sifflement de la bouilloire la ramena à la réalité. Lorsquâelle retourna au salon avec deux tasses, elle constata que Tremblay nâavait pas bougé, ni décroisé les jambes ou les mains. Elle lui tendit son thé et son regard sâattarda un peu trop sur ses doigts extraordinairement osseux.
« Jâai une maladie, dit-il soudain.
â Je suis désolée, dit-elle.
â Ce nâest pas grave. Ãa sâappelle la maladie de Marfan. Câest une pathologie du tissu conjonctif. Câest ce qui me donne cette apparence.
â Cela ne me regarde pas, dit Elisabetta en sâasseyant.
â Il vaut mieux que vous me compreniez.
â Pourquoi ?
â Câest mieux, câest tout. »
Lorsquâelle croisa les jambes, elle se rendit compte quâelle portait un jean.
« Je suis navrée de ne pas être correctement vêtue. Je faisais le ménage. Vous avez dit que vous étiez chuchoteur. Câest cela qui apparaît sur votre carte de visite ?
â Je nâai pas de carte de visite, dit Tremblay après avoir bu une gorgée. Je nâai pas de titre. Je suis simplement assistant particulier auprès du cardinal. Mes prédécesseurs étaient assistants particuliers, ni plus ni moins.
â Vos prédécesseurs ?
â La chaîne est ininterrompue depuis des siècles.
â Une chaîne de gens qui chuchotent dans lâoreille des cardinaux et des papes à propos du mal ?
â Oui. »
Tremblay révéla quelques éléments de sa biographie ; comment il avait été remarqué dans son séminaire à Paris parce quâil était plus fait pour lâadministration que pour la prêtrise. Bien quâil pensât quâils devaient considérer que son apparence risquait de poser problème aux paroissiens, on lui dit que câétait son talent et son diplôme en comptabilité qui avaient attiré lâattention du diocèse. Après son ordination, on le nomma au bureau ecclésiastique de lâarchevêque de Paris. Il grimpa rapidement les échelons des administrations et finit par avoir des contacts réguliers avec le Vatican sur les questions diocésaines. Lors dâune visite à Rome, sept ans auparavant, il avait été convoqué à une audience par un évêque italien quâil ne connaissait pas, dans une aile inhabituelle du palais. Un autre homme se trouvait dans le bureau de lâévêque, un monseigneur Italien un
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