La Prophétie des papes
lémures. »
La lèvre inférieure dâElisabetta se mit à trembler de manière incontrôlable. « Sâil vous plaît, Votre Excellence. Je ferai tout ce que lâÃglise exigera de moi, mais je vous en supplie, laissez-moi retourner dans mon école. »
Aspromonte sourit.
« Bien sûr que vous le pouvez, ma chère, bien sûr que vous le pouvez. La paix du Christ. »
Après le départ dâElisabetta, les deux cardinaux se regardèrent, le visage sombre. « Elle est jeune et son esprit est vif. On dirait quâil revient à de vieux bonshommes comme vous et moi de poursuivre ce combat. »
Â
Il était cinq heures de lâaprès-midi.
Ils nâétaient réunis que depuis trois heures, mais les cardinaux électeurs avaient lâair las et abasourdis.
Ils étaient assis dans la sacristie de Saint-Pierre, dans une pièce qui nâavait jamais été prévue pour cela. Des tables et un autel qui nâavait pas servi depuis le dernier synode avaient été apportés de la salle Paul VI voisine.
Un nouveau jeu de bulletins de vote avait été imprimé en hâte, chacun commençant par ces mots : Eligo in Summum Pontificem, « Jâélis comme souverain pontife ».
Lorsque les électeurs eurent posé leurs stylos, le cardinal Franconi les convoqua un par un à lâautel dans lâordre de préséance et chacun présenta son bulletin devant lâun des cardinaux scrutateurs et jura en latin :
« Je prends à témoin le Christ Seigneur, qui me jugera, que je donne ma voix à celui que, selon Dieu, je juge devoir être élu. »
Lorsque tous les bulletins furent réunis, un scrutateur secoua lâurne et un autre sortit un bulletin et lut le nom à haute voix.
à mesure que le dépouillement progressait, le chÅur des chuchotements se faisait plus fort, mais lorsque le doyen des scrutateurs lut les résultats, les chuchotements firent place au silence.
Le cardinal Diaz se leva et se redressa de toute sa hauteur.
Il avança le long de la rangée de tables sur sa droite, se tint devant un homme et baissa les yeux.
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« Acceptasne electionem de te canonice factam in Summum Pontificem 8 ?  » demanda Diaz.
Le cardinal Aspromonte avait les yeux rivés sur ses mains jointes.
Il leva les yeux, croisa le regard de son vieil ami et hésita un long moment avant de hocher la tête. « Accepto, in nomine Domini 9 .
â Quo nomine vis vocari 10 ?  » demanda Diaz.
Aspromonte éleva la voix de façon à être entendu de tous.
« Célestin VI. »
Le vieil âtre et la cheminée de la chapelle Sixtine avaient disparu et on utilisa la cheminée de la résidence papale à la place. Câétait une vision étrange. La place Saint-Pierre était toujours interdite dâaccès et vide, à lâexception dâun petit nombre dâouvriers du Vatican. Mais il y avait une grande foule à lâextérieur des barrières, se dévissant le cou. Et à la vue du panache de fumée blanche qui sâélevait dans le pâle ciel du soir, une clameur monta et résonna dans toute la ville de Rome.
Elisabetta enleva ses chaussures et sâallongea, tout habillée, sur son vieux lit, dans son ancienne chambre, dans son ancienne école.
Câétait incroyablement bon dâêtre de retour parmi les sÅurs du couvent. Après le dîner, sÅur Marilena avait fait un petit discours sur les deux événements réjouissants sur lesquels elle leur conseilla de sâattarder â lâélection dâun nouveau pape et le retour de leur Elisabetta â plutôt que sur les horribles épisodes de la veille.
Elle avait peur de fermer les yeux, craignant de voir le visage furieux et la queue battant lâair de Krek, alors elle pria les yeux grands ouverts. Et lorsquâelle se sentit assez de courage pour supporter les ténèbres derrière ses paupières fermées, elle en fut soulagée. Elle ne vit pas Krek, mais le doux visage de Marco jeune tel quâil était resté dans son souvenir.
Il y eut un petit coup frappé à sa porte.
Câétait sÅur Marilena.
« Je suis désolée de vous déranger, Elisabetta, mais il y a quelquâun qui veut vous voir, ici, dans la
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