La Prophétie des papes

sénateur Vellus. »
    Néron sourit.
    Â«Â Bien. Je déteste ce salopard.
    âˆ’ Je savais que vous seriez content, dit Anicetus.
    âˆ’ Quel âge ont-elles ?
    âˆ’ Douze ou treize ans, à mon avis.
    âˆ’ Emmène-les dans mes appartements et attends là-bas. » Il fit approcher Anicetus et lui chuchota à l’oreille : « Lorsque j’en aurai fini avec elles, assure-toi de faire bon usage de leur chair tendre. Mes poissons, mon cher Anicetus, sont affamés. » Il se tourna vers les autres hommes. « Vous disiez ?
    âˆ’ Je disais à Balbilus ce qu’il savait déjà – que l’ambiance dans la ville est agréablement détestable, dit Tigellinus. Le peuple romain en est arrivé à haïr les chrétiens encore plus qu’ils ne haïssent les juifs.
    âˆ’ Bien sûr, renchérit Balbilus. Les chrétiens sont des gens arrogants et méprisables qui ne font même pas semblant d’éprouver du respect pour vous. Au moins, les juifs vous laissent-ils le croire. »
    Tigellinus ajouta :
    Â«Â Et les chrétiens sont de plus en plus nombreux chaque mois. Ils se reproduisent comme des lapins.
    âˆ’ Je les méprise au plus haut point, dit Néron dans un bâillement. Leur piété me donne la nausée. Cette manière de prétendre que leur faiblesse est une force – “Tends l’autre joue, disent-ils, pour te faire frapper à nouveau”. À quoi je réponds lorsqu’ils tendent une joue : “Ne vous fatiguez pas à les frapper une seconde fois, passez-les au fil de l’épée et qu’on n’en parle plus.”
    âˆ’ Très bon conseil, dit Tigellinus.
    âˆ’ Écoutez-moi, dit Néron. Le culte chrétien est de plus en plus présent. Ils défient mon autorité. Leurs chefs, comme ce chien galeux qui se fait appeler l’apôtre Pierre, entrent et sortent de ma ville sans recevoir ne serait-ce qu’un coup de fouet. Si nous les laissons échapper à notre colère, nous le regretterons longtemps, croyez-moi. Ponce Pilate a eu une bonne idée le jour où il a crucifié ce petit homme hideux, Jésus de Nazareth. Pilate savait que son culte allait nous causer des ennuis et contrecarrer nos intérêts.
    âˆ’ Pilate a coupé la tête du culte et douze autres têtes ont poussé à sa place, les puants apôtres de Jésus, dit Tigellinus.
    âˆ’ Il faut que nous soyons plus malins que Pilate et que nous les éradiquions tous ! affirma Balbilus. Notre empereur nous dit qu’il a trouvé un moyen d’utiliser le pouvoir de la populace romaine pour les éliminer une fois pour toutes et nous enrichir par la même occasion. Mon travail, en tant qu’astrologue impérial, sera de lui communiquer la meilleure date pour le faire. Et ton travail, Tigellinus, sera de le mettre en œuvre. »
    Néron se leva et s’apprêta à sortir de la cour.
    Â«Â Ce dont notre ville a besoin, lança-t-il par-dessus son épaule, c’est d’un immense feu. »
    Â 

16
    E n rentrant du commissariat, Elisabetta demanda au taxi de la déposer devant la basilique Sainte-Marie-du-Trastevere. Son entretien avec l’inspecteur Leone avait été difficile et l’exercice mental consistant à lui en dire assez pour être sincère sans violer son engagement de confidentialité avec l’Église l’avait épuisée.
    Le silence et la paix régnaient dans la basilique, où seuls quelques touristes se promenaient, prenant des photos et cherchant les précieuses reliques de l’église – la tête de sainte Apolline et un morceau de la sainte Éponge. Elisabetta s’inclina devant l’autel, se signa et s’installa à l’endroit habituel, juste sous la peinture du plafond en bois, L’Assomption de la Vierge du Dominiquin. Les seules autres personnes dans les rangées étaient une poignée de vieilles dames du quartier qui semblaient être toujours là.
    Elisabetta s’absorba complètement dans sa prière. La fraîcheur sèche et la faible lumière qui avaient si bien préservé les antiquités pendant des siècles avaient le même effet sur son équilibre mental. Lorsqu’elle eut dit les derniers amen , elle regarda autour d’elle et découvrit avec surprise qu’il y