La Prophétie des papes

bien, je vais vous donner quelques éléments de contexte qui pourraient vous être utiles et je peux vous indiquer une ribambelle de travaux érudits sur le sujet pour l’approfondir. J’ai consacré ma carrière à Marlowe. On peut dire que je suis un peu obsédé par lui.
    âˆ’ Ce n’est rien de le dire, ajouta Meyer, serrant les lèvres avec un vague sourire pincé.
    âˆ’ Je me suis concentré sur la littérature anglaise pour mon premier cycle au Corpus Christi College, qui s’appelait Benet College à l’époque de Marlowe, où il a étudié. J’ai passé deux ans dans les mêmes lieux que lui. J’ai poursuivi et obtenu mon doctorat sur Marlowe et, depuis, j’enseigne à Cambridge. J’imagine que tous les érudits spécialistes de Marlowe ont leur pièce préférée et il se trouve que la mienne est Faust . C’est une pièce extraordinaire dans sa vision, sa complexité, la puissance et la beauté de la langue. Vous pouvez garder Shakespeare. Je prends Marlowe. »
    Sans y être invité, le père d’Elisabetta se glissa dans un fauteuil et parut écouter avec intérêt. Elle lui lança un regard perplexe, qui était sa manière silencieuse de lui demander ce qu’il était en train de faire. Il répondit avec une moue têtue, sa manière de dire qu’il était chez lui et qu’il pouvait y faire comme bon lui semblait.
    Â«Â Marlowe obtint sa maîtrise en 1587, poursuivit Harris. Dans des circonstances quelque peu mystérieuses, compte tenu de ses absences de l’université et ses prétendues activités secrètes sur le continent au nom de Francis Walsingham, le maître espion de la reine Élisabeth. Il a probablement quitté Cambridge pour Londres et commencé sa carrière de dramaturge. Alors que nous ne savons pas dans quel ordre précis il a écrit ses pièces, nous avons des preuves que la première qui a été produite à Londres était Didon, reine de Carthage , une œuvre intéressante mais quelque peu inaboutie.
    Â«Â La meilleure information que nous avons sur Faust, c’est que Marlowe l’a écrite en 1592. La première représentation référencée a eu lieu en 1594, une production par la troupe des Admiral’s Men. Le rôle de Faust était joué par Edward Alleyn, le plus grand acteur de son époque. Marlowe a été tué en mai 1593. A-t-il jamais vu Faust joué sur scène ? Je l’espère. Peut-être y avait-il eu des représentations avant.
    âˆ’ Quel texte a été représenté en 1594 ? Le A ? demanda Elisabetta.
    âˆ’ Eh bien, c’est une excellente question, mais nous n’en savons rien. Vous voyez, la première publication connue du texte A est datée de 1604, bien après sa mort. Il y a eu une seconde publication en 1609 et une troisième en 1611. En tout, il n’y a que cinq exemplaires originaux connus du texte A, une à la Bodleian Library à Oxford, deux à la Huntington Library en Californie, une à la Bibliothèque d’État de Hambourg et une à la Petworth House du National Trust dans l’ouest du Sussex. Ils sont tous fondamentalement les mêmes, donc on pourrait être tenté de dire qu’ils représentent la version jouée en premier, mais ce n’est qu’une supposition.
    Â«Â Le premier texte B n’a été publié qu’en 1616. Cet in-quarto est similaire au vôtre dans la mesure où c’est le premier à utiliser la gravure sur bois désormais célèbre sur la page de garde, qui montre Faust convoquant le diable tout en restant à l’intérieur de son cercle magique. Cet exemplaire se trouve au British Museum. L’édition suivante qui est apparue date de 1619 et elle n’est pas différente de celle de 1616. Il n’y a qu’un exemplaire connu, qui appartient à un collectionneur américain à Baltimore. Ensuite, on arrive au vôtre, l’édition de 1620. Ici, curieusement, il y a une coquille sur la page de titre – les imprimeurs en faisaient couramment en ce temps-là – le mot “History” est devenu “Hiftoy” . Il n’y en a qu’un exemplaire à la British Library. Nous savons que trois exemplaires sont apparus dans des ventes au cours des quarante