Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
Vom Netzwerk:
Puis, en sombrant dans le sommeil, il se remémora qu’il ne fallait pas se laisser séduire par la fraternité rare et noble des chevaliers car, en fin de compte, c’était un culte de la mort, et il avait eu plus que son content de telles amitiés.
     
    LE JOUR SUIVANT, le vendredi 15, les Turcs reprirent leur bombardement. La boulangerie fut détruite. Des boulets de soixante et de quatre-vingts livres rebondissaient dans la cour, démembrant quiconque se trouvait sur leur passage. Courbés derrière les murets et les remparts vacillants, les défenseurs couverts de poussière s’agitaient comme des fourmis assaillies par des enfants barbares. Personne ne doutait que la fin fût proche. Tannhauser décida de partir cette nuit-là, à quel que prix que ce soit.
    Quand l’obscurité tomba, il conclut son arrangement avec le sergent qui organisait les départs du quai, et deux futurs évacués pris au hasard furent abandonnés sur leurs brancards près de la poterne. Orlandu descendit bravement les marches, brutalement surchargé du sac et de l’équipement de Tannhauser. Ils se frayèrent un chemin jusqu’au bout du quai, à travers une foule d’esclaves portant des brancards et de fugitifs estropiés, trouvèrent un endroit où poser leurs affaires et attendirent que les chaloupes arrivent.
    « Pourquoi on fait retraite ? demanda Orlandu.
    – Retraite ? se moqua Tannhauser. Tu commences à parler comme Bors. Si nous restons, nous allons mourir, et même si cette ambition est très populaire par ici, cela n’entre pas dans notre plan.
    – Tous ceux qui sont ici vont mourir ? De Guaras ? Miranda ? Medran ? » Il marqua une pause, comme stupéfié par sa propre imagination. « Le colonel Le Mas ? »
    La bataille avait peut-être embrumé ses esprits au point de penser que ses héros étaient immortels.
    « Tous, répliqua Tannhauser. C’est leur choix et leur demande, mais pas la mienne. Et cela ne devrait pas être la tienne non plus. » Il releva sa barbe, désignant les eaux. « Quelque part au-delà de cette folie, un monde beaucoup plus vaste attend, dans lequel des hommes tels que nous pourront prospérer et laisser une marque plus décente qu’une inscription tarabiscotée sur une tombe. À la vérité, personne à Saint-Elme ne laissera autant que ça.
    – Ils laisseront leurs noms.
    – Le peu qui le feront sont plus que bienvenus de le faire. J’ai déjà vécu plus longtemps qu’Alexandre et c’est un réconfort bien plus grand pour moi que son nom ne l’est pour lui. Pour ce que valait ce nom, le poète Dante l’a consigné dans les entrailles de l’enfer.
    – Alexandre ? dit Orlandu.
    – Tu vois ? Ton ignorance te fait honte. Tu es tout juste bon à trimballer une bassine de gras à travers la cour. Est-ce une habileté ou un accomplissement dont on peut être fier ? »
    La lumière s’obscurcit dans les yeux d’Orlandu et il baissa la tête pour masquer combien il était blessé que son héros le juge si insignifiant. Tannhauser réprima un serrement de cœur. Cela ferait du bien au garçon. Viser haut requérait quelque connaissance sur l’endroit où l’on se tenait.
    « Ajoute ta vitalité à mon conseil, dit-il, et tu apprendras qu’il existe des joies ailleurs que dans la vénération des martyrs. »
    Orlandu se reprit. « Quel est votre plan ?
    – Notre plan, garçon. »
    Orlandu s’égaya. Pas un boudeur, donc. Bien.
    « Oui, répéta Tannhauser, notre plan. Mais si nous ne quittons pas ce quai, nous tomberons au premier coup de torchon, mais je te parlerai de ce plan plus tard, car voici nos bateaux. »
    La première des trois chaloupes venait d’apparaître au sud-est, les rames éclaboussant d’argent en se levant et en retombant. La Voie lactée se joignait à l’Archer, et la Lune, seulement à deux jours de déclin, était levée depuis une heure. La baie, donc, n’aurait pas pu être plus brillante. La barque était chargée d’hommes et de vivres, et, lamentablement visible à cent pas de distance, d’un baril haut comme un homme de feu grégeois frais, attaché en plein milieu avec des cordes. Et c’est à cette distance que les canons turcs ouvrirent soudain le feu.
    Tannhauser réalisa d’un coup que c’était à cela que servaient les nouvelles palissades turques dont l’emplacement avait intrigué les guetteurs du fort. C’était un écran de poteaux de bois, de terre et de sacs de terre

Weitere Kostenlose Bücher