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Le livre des ombres

Le livre des ombres

Titel: Le livre des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: C.L. Grace
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gémit-elle.
    — Est-vrai, ce que l'on dit? demanda Kathryn.
    —
    J'ai jeté un sort, geignit la vieille femme qui n'avait pas reconnu Kathryn. Mais Talbot m'avait chassée de ma maison. Il m'a laissée errer par les ruelles comme un chien.
    Kathryn serra l'épaule maigre de Mathilda.
    — Je vais voir ce que je peux faire.

    Elle recula et les gardes se rapprochèrent. L'un d'eux tira sur la corde, et Mathilda fut entraînée dans la rue. Le capitaine revint auprès de Kathryn.
    — Nous ne pouvons rien faire, Maîtresse. Les Talbot sont puissants. Elle a reconnu sa culpabilité.
    Il baissa la voix pour ajouter :
    — Elle périra par le feu. On attend les juges d'assises du roi dans la ville. Ils ne la prendront pas en pitié.
    Sur ces mots, pivotant sur ses talons, il s'éloigna.
    Kathryn, qui ne pensait plus aux massepains ou aux friandises pour Wuf, reprit le chemin d'Ottemelle Lane. Thomasina essaya d'engager la conversation, mais sa maîtresse éprouvait une grande tristesse. Mathilda Sempler était une vieille folle, pourtant serait-elle brûlée vive à cause d'une absurde malédiction? Kathryn évoqua par la pensée le malade de l'hospice des Prêtres Indigents, et la journée de printemps lui parut moins belle. Son père l'avait toujours mise en garde. Lorsque l'hiver mourait, disait-il, que s'ouvraient les routes et les chemins et que les fluides commençaient à circuler dans la nature, les gens laissaient libre cours aux étranges chimères dissimulées dans leur âme : sorcellerie, magie et l'épouvante des légions de l'enfer. Cantorbéry semblait attirer ce genre de bizarreries. Kathryn aperçut un énorme molosse tenu en laisse par son opulent propriétaire, en haut d'une rue. Le chien était bien muselé, et portait, à califourchon sur son dos, un nain, coiffé d'un bonnet jaune à clochette, une badine blanche à la main. Entre les étalages, devant une rangée de maisons, un homme hurlait qu'il pouvait croquer des charbons ardents. Plus bas, une vieille femme clamait qu'elle était capable de boire un gallon de bière et d'en vomir davantage.
    Des chantres curieusement vêtus s'offraient à réciter des poèmes ou à raconter des histoires sur de mythiques contrées levantines. À l'entrée d'une ruelle, deux aveugles liés dos à dos dansaient bizarrement sur des tisons, au milieu des flammes avides qui manquaient leur lécher la peau, pour le plus grand bonheur d'un petit attroupement qui s'était formé pour les regarder. Kathryn se souvint des mots de Colum :
    — Sur terre, avait dit l'Irlandais, les anges marchent et les démons aussi. Hélas, ce sont les démons qui font sentir leur présence.
    Les deux femmes obliquèrent dans Ottemelle Lane et manquèrent percuter Colum et Luberon.
    — Nous allions à votre recherche, dit l'Irlandais qui prit Kathryn par le bras et lui sourit.
    Puis son visage se rembrunit.
    — Pourquoi? demanda Kathryn.
    — Tenebrae, le magicien, a été horriblement assassiné, déclara Luberon.

    CHAPITRE II
    Kathryn ramena Colum et Luberon chez elle.
    Pendant que Thomasina préparait un ragoût de bœuf et de champignons, puis coupait des tranches de pain tout frais, Colum expliqua son retour précipité de Kingsmead :
    —
    Maître Luberon est arrivé, dit-il, en indiquant son compagnon, et il m'a annoncé la mort de Tenebrae.
    — Comment est-ce arrivé ? demanda Kathryn.
    — Une flèche d'arbalète fichée en pleine gorge.
    —
    Pas plus tard que ce matin, j'ai examiné à l'hospice des Prêtres Indigents un malade venu pour voir Tenebrae, dit Kathryn qui raconta brièvement sa visite au père Cuthbert.
    Le clerc se rembrunit.
    —
    Qu'a-t-il de si important, cet homme?
    interrogea Kathryn.
    Luberon but son vin à petites gorgées et ébaucha un sourire timide à l'adresse de Thomasina, qui rougit et minauda en retour.
    —
    Quand serez-vous prêt à me répondre ? le taquina Kathryn.
    Luberon posa son gobelet avant de déclarer :
    —
    Dans nos vies, tout est simple, Kathryn. Je suis Simon Luberon, clerc de monseigneur l'archevêque de
    Cantorbéry. Je possède ma petite maison, j'ai mes habitudes quotidiennes, mes amis et...

    Il jeta un coup d'œil espiègle à Thomasina.
    — Et ceux qui ne quittent jamais mes pensées. Je vais à la messe le dimanche et même parfois en semaine. Je paie ma dîme et mes impôts, je respecte de mon mieux la loi du Seigneur, et je me soumets aux décisions du roi.
    Il s'interrompit, ses narines charnues laissèrent passer

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