Le livre des ombres

des poignées et des serrures seulement à l'intérieur.

    Elle retraversa la pièce pour gagner l'autre porte que Luberon inspectait déjà.
    — C'est la même chose avec celle-là, s'écria ce dernier. Regardez!
    Kathryn passa près de la table où Colum et Foliot examinaient encore le cadavre. Luberon s'écarta et Kathryn constata que la serrure et la poignée étaient identiques à celles de la porte d'entrée. Elle ouvrit lentement le battant, et escortée de Luberon sortit sur un petit couloir menant aux escaliers du fond de la maison. Tout de suite à gauche se trouvait une fenêtre. Kathryn la détailla avec soin, mais elle était solidement fermée par des contrevents renforcés de barres. Elle ôta celles-ci, et vit que les crochets et le loquet étaient en place.
    Kathryn et Luberon prirent les escaliers. La porte en bas était la même que celles qu'ils avaient vues dans le cabinet de Tenebrae, avec poignée et serrure à l'intérieur. Ils l'ouvrirent : elle donnait sur une petite impasse souillée de détritus, et qui puait l'urine de chat. Kathryn referma la porte en secouant la tête, puis elle remonta les escaliers pour regagner le cabinet de Tenebrae.

    CHAPITRE III
    —
    Tenebrae est aussi mort qu'un morceau de mouton chez le boucher, déclara Colum.
    Il souleva la main gauche du cadavre pour montrer à Kathryn les bagues qui y scintillaient.
    —
    On ne les lui a pas prises, ni la bourse d'argent à sa ceinture, poursuivit-il. Il ne s'agit donc pas d'un vol.
    Foliot s'interposa.
    — Sauf pour le livre d'Honorius.
    Kathryn fit signe à Morel d'approcher.
    —
    Inspectez cette pièce, lui dit-elle, choisissant soigneusement ses mots. Hormis le grimoire, y a-t-il quelque chose qui a été dérobé ou dérangé?
    Morel fit à pas feutrés le tour de la salle. La chambre avait en partie perdu son atmosphère oppressante. A la lumière du jour, elle apparaissait maintenant plutôt clinquante et pathétique avec ce grand mage affalé, mort, un carreau d'arbalète dans la gorge. Le serviteur revint, secouant gravement la tête.
    — Rien n'a été dérangé, Maîtresse.
    Kathryn soupira.
    —
    Dans ce cas, c'est un vrai mystère. Cette pièce se trouve au second niveau de la maison. Ses fenêtres des deux côtés sont solidement fermées, les contrevents entravés par des barres, et il en est de même pour les portes à chaque bout ainsi que celle du rez-de-chaussée. Nul ne pouvait pénétrer ici, ni même monter l'escalier du fond, sans l'autorisation de Tenebrae, puisque toutes les portes ne s'ouvrent que de l'intérieur. Il semble que le mage était vivant et en bonne santé lorsque Maître Foliot lui a rendu visite, ce matin. Il a ensuite vu ses clients que nous avons rapidement rencontrés dehors. Chacun a été ponctuel à son rendez-vous. Cela se passait vers quelles heures, Maître Morel ?
    — Entre neuf heures et midi.
    — Ils ont tous eu leur entrevue, poursuivit Kathryn, s'efforçant d'ignorer le regard fixe de Morel. Ils sont montés par l'escalier que nous avons emprunté, et Tenebrae les a fait sortir par la porte du fond.
    Elle entraîna ses compagnons jusqu'à celle-ci et dans le petit couloir.
    — Ils sont donc descendus par cet escalier et sont sortis par-derrière pour que personne ne les voie.
    Dans ce cas, qui a assassiné Tenebrae ?
    Kathryn indiqua la fenêtre du palier.
    — Celle-ci est fermée, il n'y a pas d'autres issues, n'est-ce pas?
    Colum avançant qu'il n'en était pas certain, tous retournèrent dans la salle où était mort le mage pour une fouille dans les règles, dont le résultat confirma les protestations de Morel qui assurait que c'était inutile. Les lambris étaient bien fixés, et ils ne découvrirent ni trappe ni passage secret dans le plafond aux peintures criardes ou dans le plancher verni noir.

    Kathryn s'approcha du cadavre pour l'examiner, disant :
    — Quelqu'un, Dieu seul sait qui, est entré ici avec une arbalète et une flèche, a tué Tenebrae et volé le grimoire avant de disparaître.
    — C'est peut-être de la magie, articula très vite Morel.
    — Pourquoi cela? interrogea Kathryn.
    Morel étendit les mains.
    —
    Mon maître disait toujours qu'il pouvait être tué par magie.
    Kathryn avança d'un pas.
    —
    Vous n'éprouvez pas de chagrin, Morel? Vous ne pleurez pas votre maître ?
    L'homme eut un sourire sournois et approcha son visage à quelques centimètres seulement de ceux des autres. Kathryn fixa ses yeux vides, comme liquides.