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Le piège

Le piège

Titel: Le piège Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Emmanuel Bove
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trois fois à la banque. Dans l’après-midi, elle
avait été chercher l’« effet de neige » de Zing. Elle parlait de tout
cela avec une volubilité extraordinaire, comme si rien d’autre n’existait et
que, en ce qui la concernait, la guerre était terminée. « Nous l’avons
échappé belle, mon chéri. » Il n’y avait plus que la malle. Celle-ci était
en sûreté, mais Yolande hésitait à la faire transporter. Elle avait peur qu’on
n’interrogeât les camionneurs dans la rue. Elle croyait qu’il valait mieux
transporter le contenu en plusieurs fois.
    Puis, quand elle eut épuisé ce sujet et qu’elle
fut plus calme, elle demanda à son mari s’il avait fait bon voyage.
Brusquement, elle lui fit observer que rien ne s’opposait plus à ce qu’il
rentrât chez lui. Elle parla ensuite de son départ de Lyon. Tout le monde avait
été parfait. Des amis l’avaient accompagnée à la gare. Elle avait eu même une
couchette. À la ligne de démarcation, on avait à peine regardé son ausweiss. Et
le train n’avait été immobilisé que trois heures.
    Comme Bridet n’avait pas répondu à l’invitation
de rentrer, elle la lui refit. Bridet observa que ce serait peut-être
dangereux. « Tu es un enfant », s’exclama-t-elle. Il n’avait rien à
craindre dans une grande ville comme Paris. La police avait autre chose à faire
que de s’occuper de lui. On le lui avait encore redit.
    — Qui ? demanda Bridet.
    — Des amis.
    — Des amis en qui j’ai confiance ?
    — Après ton départ, j’ai rencontré,
absolument par hasard, Outhenin. Il m’a affirmé que ton affaire était
définitivement classée. Ah ! à propos, j’ai oublié de t’annoncer une
nouvelle sensationnelle. Basson s’est sauvé. Comment ? Je n’en sais rien,
mais il s’est sauvé. C’est Outhenin qui me l’a dit. Il faisait une drôle de
tête.
    — Oh ! ça c’est merveilleux !
s’exclama Bridet. Basson est quand même un type formidable. Si tu l’avais vu
quand on l’interrogeait, cette froideur, ce mépris... Ils étaient empoisonnés,
tous ces Vichyssois. Ils essayaient de le prendre de haut mais il les remettait
chaque fois à leur place. C’est vraiment un type, tu sais...
    Yolande eut un sourire sceptique.
    — N’exagère pas, mon chéri. S’il a pu
se sauver, c’est parce qu’on l’a bien voulu.
    — Tu es folle !
    — S’ils avaient tenu à le garder, ton
cher ami Basson n’aurait pas fait mieux que les autres. On l’a laissé partir.
    Bridet malgré toute son affection pour sa
femme, ne put s’empêcher de la regarder avec une sorte de pitié méprisante. Il
le regretta aussitôt. Profitant, pour changer de conversation, de la demande
que Yolande lui avait faite de rentrer, il dit :
    — Tu sais bien, ma chérie, que ce
serait imprudent. D’autant plus que Basson s’est évadé. On va croire que je
sais où il est.
    — Comme tu es fatiguant ! Je te
répète encore une fois que tu es complètement en dehors de tout, que ton
affaire est réglée, classée, enterrée. Je trouve absolument ridicule de vivre
séparés à cause d’un danger inexistant. Mais après tout, tu as peut-être une
raison que tu ne me dis pas, conclut-elle avec un sourire fin.
    — Oh ! pas du tout, ma chérie. Ça
non, tu fais fausse route...
    Cette discussion dura encore une dizaine de
minutes. Finalement, Bridet se rendit aux arguments de sa femme. Puisqu’il
allait partir, car il était sûr qu’il trouverait tôt ou tard un moyen de passer
en Angleterre, il ne fallait pas lui faire de peine. Elle l’aimait. Une fois en
Angleterre, quand la reverrait-il ? Mais il la prévenait qu’il pouvait
être amené à la quitter subitement, sans avoir même le temps de lui faire des
adieux. « Ici, à Paris, ce n’est pas comme à Lyon », ajouta-t-il sans
grande conviction. Il ne rencontrait que des gens intelligents et courageux. Il
se sentait soutenu. Certainement, ce ne serait pas long. D’ailleurs, elle avait
raison. Il n’aurait jamais dû aller à Vichy. Il aurait dû venir directement à
Paris, comme elle le désirait. Il serait déjà en Angleterre.
    Elle l’embrassa.
    — Tu peux avoir confiance en moi, lui
dit-elle. Tu sais que je t’ai toujours donné de bons conseils.
    Ils rentrèrent rue Demours. Bridet était
tellement ému par ce quartier où il avait passé tant d’années, qu’il avait
connu si vivant, que pour ne pas le voir tel qu’il était maintenant, il donna
le bras

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