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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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infamie… Oh ! Je sais : il y était co ntraint, mais nul homme, et à plus forte raison nul fils de roi, ne saurait respecter ce qui ne mérite que crachats et vomissures. Il advient un temps où la patience apparaît à celui qui s’y trouve contraint comme la pire offense à lui-même adressée. Si mon père apprenait ce que je vais vous commander, il s’y opposerait. Or, je l’aviserai en temps voulu… Peu me chaut d’avoir à subir son ire lorsque vous serez parti…
    Du crochet de l’index, le prince Charles pria Tristan de s’approcher.
    – Nous nous sommes vus çà et là, n’est-ce pas ?
    – Oui, monseigneur.
    – Boucicaut a toute confiance en vous.
    – J’en sais bon gré, monseigneur, à un homme aussi alosé (479) .
    – Droit au but, Castelreng. Vous êtes sans doute, comme moult chevaliers de Vincennes, du Louvre et d’ailleurs, ulcéré de voir la France malade, sanglante… et moi plus que vous qui, dans quelques années, prendrai le temps de ma vie sa destinée en main… Je vous le certifie… car nous parlons entre hommes, le jour où je ceindrai la couronne sera pour moi et pour le pays tout entier celui d’une… d’un soulagement… ineffabilis, comme il est dit en latin.
    Depuis sa jeunesse prime, la fortune lui avait été hostile. Il n’avait éprouvé que des humiliations, déceptions et angoisses. Sans être l’homme lige de son père, – et en les réprouvant –, il avait accepté ses erreurs et ses crimes. Il en avait souffert et n’en guérissait point. Dauphin souffreteux, couard, méprisant les armes, puis, après Poitiers, régent d’un royaume vaincu, un immense besoin d’acquérir la puissance et la popularité lui chauffait le sang. Il faisait effet pour paraître dominer les événements et penchait à la fenêtre son visage aux gros yeux vers un espoir d’éblouissante revanche. En attendant qu’on la lui procurât, il se paonnait devant son visiteur sans parvenir à convertir en majesté sa médiocrité de prince égrotant.
    – Vous allez contribuer, Castelreng, à une réhabilitation de la force et de l’audace que nos ennemis ont tant violentées… Je ne sais si vous êtes au fait de ce qui se passe chez eux…
    – À peine, monseigneur.
    – Savez-vous ce que nul n’ignore, en Angleterre ?… La mort de Thomas de Hollande 162 a comblé de joie son épouse, Jeanne de Kent.
    – J’en ai ouï parler avant mon départ pour la Bourgogne, l’an passé.
    – Cette dame est une mijolée aimant les joyaux et vivant honteusement. Elle s’est corrompue, avilie, dénaturée dans la fréquentation des drôlesses de Vannes, Saint-Sauveur-le-Vicomte, Creully et je ne sais quelles places fortes où son mari exerça les fonctions de lieutenant du roi… Savez-vous qu’elle dormait dans un lit de velours rouge bordé de plumes d’autruche d’argent et de têtes de léopard d’or ?
    – Non, monseigneur.
    – Je n’ai, moi, qu’un bon lit de chêne !… Celui dans lequel je reposais quand Marcel et ses maufaiteurs occirent sous mes yeux les maréchaux attachés à ma protection !
    Rien n’était plus instructif, songeait Tristan, que de constater toute la contrainte que s’imposait ce malade pour ne pas se départir de la noblesse et de la dignité de son état ; pour s’y draper et s’y maintenir dans une sorte de superbe empruntée à son père. Il marcha d’un pas soudain vif jusqu’à la porte et l’ouvrit. Le palier, derrière, était vide.
    – Je n’aime guère Vincennes… Il paraît qu’ el Malo y a des espies…
    Pourquoi tardait-il tant à en venir au but ? À ses circonlocutions s’ajoutait l’impression, irritante et décevante à la longue, de sentir obscurément rôder autour de lui le fantôme du Navarrais.
    – Jeanne de Kent est depuis l’an passé 163 la femme d’Édouard de Woodstock contre la volonté d’Édouard d’Angleterre… Le roi la hait. Il s’est furieusement opposé à ces épousailles, souhaitant même faire occire la fiancée afin de les empêcher…
    – Peut-être, monseigneur, parce qu’elle lui avait résisté… On prétend ce roi-là dissolu. Plus la reine devient grosse et laide, plus il a le goût des donzelles. C’est du moins ce qu’on dit de haut en bas du royaume de France… et sans doute aussi au-delà de la mer !
    – On dit vrai. Le mariage du prince de Galles et de cette mâtine est d’ailleurs incestueux, et c’est pourquoi aussi Édouard le voulut briser…

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