Le retour

sûr que
le boss de Living Room t'engagerait pas pour aider son livreur s'il y avait
rien à faire, lui fit remarquer son frère Jean-Louis. Quand t'auras ton
diplôme, tu vas pouvoir gagner ta vie avec ta tête, pas avec tes bras,
ajouta-t-il en adoptant un ton doctoral.
     
    - Ouais!
intervint Richard qui se savait visé par la remarque de son frère aîné. Je me
demande ben ce qui arrive à ceux qui ont pas plus de tête que de bras.
     
    Pour moi, ils
finissent par aller travailler pour Dupuis frères.
     
    - Ça va faire!
décréta Laurette, les nerfs à fleur de peau, debout devant le poêle où elle
faisait cuire un mélange
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    d'oignons et de
boeuf haché. Les filles, mettez la table. Le pâté chinois est presque prêt.
     
    Quand la famille
Morin passa à table quelques minutes plus tard, Laurette s'attabla la dernière.
S'être fait voler trente dollars lui avait enlevé tout appétit. Elle se
contenta de chipoter dans son assiette, la bouche marquée par un pli amer.
Quand Denise déposa des biscuits sur la table, la mère de famille s'empressa de
repousser son assiette pour se verser une tasse de thé.
     
    - Vous mangez
pas, Laurette? lui demanda sa belle-mère.
     
    - Je suis trop
fatiguée pour manger, mentit-elle.
     
    - Je vous l'avais
dit ce matin que vous feriez mieux de vous reposer à la maison plutôt que
d'aller courir les magasins.
     
    - Oui, je sais,
se contenta de répondre abruptement sa bru, agacée.
     
    Un peu avant six
heures trente, on sonna à la porte.
     
    - Tiens, ça doit
être Rosaire et Colombe, fît Laurette en ouvrant la porte du garde-manger pour
y ranger la bouteille de Ketchup et le pot de beurre d'arachide qu'elle venait
de prendre sur la table. Va répondre, Carole.
     
    L'adolescente
alla ouvrir et cria du fond du couloir:
     
    - M'man, c'est
pour vous.
     
    Laurette referma
la porte du garde-manger et se dirigea vers le couloir où elle eut la surprise
de découvrir son vendeur d'ensemble de vaisselle.
     
    - Bonsoir, madame
Morin. Je suis un peu en retard, mais je suis là quand même.
     
    Il fallut un
moment à Laurette pour qu'elle retrouve la voix, tant elle était surprise de
voir l'homme dans son entrée.
     
    - Je vous
attendais plus pantoute. Vous m'aviez dit trois heures et demie, lui
reprocha-t-elle, prête à lui faire
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    payer chèrement
l'angoisse dans laquelle elle baignait depuis plus de trois heures.
     
    - Je m'en excuse,
madame, mais j'ai eu un accident sur Sainte-Catherine. Il a fallu faire venir
la police et j'ai eu de la misère à avoir un towing en plein samedi après-midi.
     
    J'ai dû attendre
qu'un mécanicien débosse mon aile pour pouvoir repartir avec mon char.
     
    - J'espère que
vous avez pas cassé mon set demanda Laurette, alarmée.
     
    - Non, madame.
C'est impossible. Elle est incassable.
     
    Soyez sans
crainte. J'ai vérifié. Tout est correct. Je l'ai dans mon char. Je vous
l'apporte.
     
    Sur ce, le
représentant de Styleware sortit. Richard se précipita à la fenêtre de la
chambre à coucher de Jean-
    Louis juste à
temps pour voir l'homme ouvrir le coffre arrière d'une Ford verte dépourvue de
l'un de ses pare-
    chocs. Son
garde-boue avant était sérieusement enfoncé.
     
    Il revint dans la
maison en portant une boîte qui semblait assez lourde. Laurette la lui fît
déposer sur la table et exigea qu'il demeure sur place, le temps de vérifier si
sa vaisselle était en bon état.
     
    - C'est là qu'on
va voir si elle est vraiment incassable, dit-elle dans une tentative de
plaisanterie.
     
    - C'est sûr que
ça a été un bon test, admit le vendeur, plus intéressé à lorgner Denise qu'à
aider à extraire la vaisselle de la boîte.
     
    Laurette étala
soigneusement sur la table les huit couverts, tout heureuse d'entendre les
exclamations ravies de ses deux filles. Quand la boîte fut vidée, elle accepta
de signer le bon de livraison du vendeur avant de le conduire jusqu'à la porte.
     
    - Puis? Qu'est-ce
que vous pensez de mon achat?
     
    demanda-t-elle à
la cantonade en revenant dans la cuisine.
     
    Est-ce que c'est
assez beau?
     
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    - C'est tellement
beau que ça va en être gênant de manger là-dedans, dit Denise en soupesant une
assiette bleue.
     
    - Et vous, madame
Morin? Aimez-vous ça?
     
    - C'est dommage
qu'ils aient pas fait un motif. Il me semble qu'elle aurait été plus belle,
critiqua la vieille dame.
     
    - Pourquoi vous
avez acheté ça? demanda Jean-Louis en affichant un air