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Le souffle de la rose

Le souffle de la rose

Titel: Le souffle de la rose Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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être mise en doute, je
récuse celui de mademoiselle Mathilde, Clémence, Marie de Souarcy. Je ne doute
pas que notre sage seigneur inquisiteur me suivra dans cette prudence.
    Frère Jean de Rioux attendit. Les mâchoires de Florin se
serrèrent de rage. Il finit par lâcher :
    — Si fait. Le témoignage de cette jeune femme est
récusé. (Il lutta contre l’envie de se jeter sur Mathilde pour la bourrer de
coups et conclut :) Grapharius, indiquez que le tribunal émet de graves
doutes sur la sincérité de la damoiselle de Souarcy, et s’inquiète de ce qu’elle
se soit parjurée plus tôt. Précisez que ledit tribunal se réserve le droit de
la poursuivre ultérieurement.
    Mathilde hurla :
    — Non... !
    Elle fit trois pas en direction de l’inquisiteur, mains
tendues devant elle, et vacilla. Agnan se précipita pour la soutenir et la
conduire à l’extérieur où l’attendait un Eudes qui savourait, à tort, sa très
prochaine victoire.
    Frère Jean chercha le regard d’Agnès, mais elle était
ailleurs. Elle venait de basculer dans un monde de douleurs qu’elle n’avait
jamais soupçonnées. Mathilde s’était perdue, et elle doutait de la retrouver
jamais.
    Elle s’accrocha à son dernier espoir, à son ultime force :
Clément était sauvé, jusque-là.
    — L’abruti, éructa Eudes. Le sombre abruti ! Que
ne m’a-t-il prévenu qu’il comptait vous confronter à Agnès ? J’aurais pu l’en
dissuader... Vous n’êtes pas de taille.
    Mathilde pleurnichait depuis un moment, reniflant dans le
fin mouchoir de sa défunte tante, brodé d’un joli A vert d’eau, ballottée par
les chaos de leur chariot qui longeait la forêt de Perseigne en direction de l’abbaye
de même nom. La dernière affirmation de son oncle la piqua au vif, et elle leva
un visage bouffi de larmes qu’il trouva laid et bien rougi. Il se fit la
réflexion qu’au fond, elle ressemblait à une gorette. Une gorette bien tournée,
mais une gorette quand même.
    — Que dites-vous, mon oncle ? Je ne suis pas de
taille contre ma mère ?
    Le moment n’était pas venu d’ulcérer la donzelle. Après
tout, tant que la condamnation d’Agnès n’était pas prononcée, il demeurait un
tuteur transitoire.
    — Enfin, ma douce jolie, se reprit-il en lui tapotant
la main. Vous êtes encore jeune et peu au fait des vilaines manœuvres dont
usent et abusent certains êtres, ce qui est tout à votre honneur. Vous n’êtes
pas une madrée sans vergogne, veux-je dire.
    — Voilà qui est bien vrai, mon cher oncle, approuva
Mathilde avec une belle incohérence.
    — Votre mère... eh bien, nous la connaissons... Elle
est rouée, manipulatrice... En bref, je vous admire de lui avoir ainsi tenu
tête. Quelle épreuve ce dut être pour vous, à votre jeune âge.
    Mathilde se consolait doucement. Elle redevenait la victime
des manigances de sa mère, un rôle qui lui plaisait tant qu’elle lui accordait
de plus en plus de crédibilité.
    — Certes. Mais...
    — À tout le moins, j’aurais su indiquer à ce pantin d’inquisiteur
comment orienter ses questions afin qu’elles nous soient favorables ! Mais
non, cet imbécile voulait son petit jeu, l’interrompit Eudes tout à son
mécontentement.
    — Mon oncle, une menace du seigneur inquisiteur m’a
fort alarmée. Il a laissé entendre qu’il pourrait décider de me poursuivre à
mon tour pour parjure.
    S’il n’y avait eu cette mine épuisée qui gâtait
considérablement son avenir tant pécuniaire que politique, il l’aurait
volontiers laissée se dépêtrer seule.
    — Bah... Il va encore m’en coûter deux cents livres...
Que ne ferais-je pour vous être agréable, ma nièce.
    — Encore ?
    Eudes s’embourba :
    — Oui, deux cents livres par-ci, deux cents par-là,
cent autres pour l’abbaye, et que sais-je...
    Mathilde comprit aussitôt que le procès de sa mère avait été
truqué depuis l’origine, et financé par son oncle. Cette certitude l’apaisa.
Elle était sauvée. Le pouvoir de l’argent était si merveilleux qu’elle était
bien décidée à n’en plus manquer jamais, quoi qu’il en coûtât.

 
Abbaye de femmes des Clairets, Perche, novembre
1304
    Yolande de Fleury, la sœur grainetière, se tenait droite
devant le bureau de l’abbesse, redressant sa petite taille, blême jusqu’aux
lèvres. Éleusie de Beaufort tourna le regard vers les fenêtres. La mince
pellicule de givre abandonnée par le petit matin s’attardait encore,

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