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L'homme au ventre de plomb

L'homme au ventre de plomb

Titel: L'homme au ventre de plomb Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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central d'habitation. Elle offrait une impression de
solidité encore accentuée par l'absence d'étage.
Les pièces centrales étaient brillamment éclairées.
Par les fenêtres de l'office, il reconnut la silhouette trapue
de Bourdeau et celle, plus haute, du docteur ; en chemise, ils
s'affairaient autour d'une table. Dans le corridor d'entrée,
il tomba sur Awa, la servante noire de Semacgus. Dans un grand rire
en cascade, elle lui sauta au cou en lui demandant de sa voix
gutturale et chaude des nouvelles de son amie Catherine. L'offrande
de la tarte lui permit de se libérer et de rejoindre ses amis.
Il s'approcha de l'office. Les deux compères discutaient en
riant.

    â€“ Docteur,
criait Bourdeau, surtout n'écrasez pas les marrons. On doit en
retrouver de gros morceaux qui se brisent encore légèrement
sous la dent. Veillez-y !

    â€“ Ne
voilà-t-y pas le Châtelet qui voudrait en remontrer à
la Faculté ! Découpez vos lardons et faites les-moi
suer gentiment. Qu'ils chantent, les bougres ! Et pour les
précautions, prenez garde à ne pas roussir l'ail !
Quant au chou...

    Nicolas intervint
en imitant Catherine et son accent.

    â€“ Zurdout,
brenez garde à le bien ébouillanter et à jeter
l'eau première ! Ensuite, à betit bouillon de telle
sorte que le tout resde un beu croquant !

    Les deux compères
se retournèrent.

    â€“ Mais c'est
Nicolas qui prend la recette en marche !

    â€“ J'espère,
renchérit Bourdeau, qu'il n'a pas faim. Je doute que nous en
ayons jamais assez !

    Ils éclatèrent
de rire. Semacgus servit du vin. Nicolas s'enquit du menu.

    â€“ Nous avons
des perdrix à l'étouffée, une longe de porc à
la broche et des choux fricassés aux lardons et aux marrons :
un mélange que j'ai mis au point et dont vous vous
pourlécherez. La suavité du marron liée à
la légère amertume du chou, relevée de poivre et
de girofles et enveloppée dans le gras du lard. Le moelleux
ajouté au tendre. Et Bourdeau nous a apporté un panier
de bouteilles de Chinon...

    â€“ Vous m'en
direz tant, fit Nicolas. A cela, il faudra ajouter une tarte aux
poires et au massepain de la bonne Catherine.

    Le souper fut
bientôt prêt et servi par Awa, qui avait revêtu
pour l'occasion un éclatant boubou de damas de son Saint-Louis
natal. La table dressée dans le cabinet de travail de Semacgus
paraissait un havre de lumière et de gaieté au milieu
des livres, des squelettes, des fossiles, des bocaux et des mille
curiosités rapportées par le maître de maison de
ses expéditions lointaines. Nicolas avait rarement vu Bourdeau
aussi joyeux, rubicond et l'œil éméché. Il
ne laissait sa place à personne pour conter des grivoiseries,
à la satisfaction du chirurgien, grand amateur d'histoires
salaces. Le sommet fut atteint dans le rire gargantuesque qui suivit
le récit par Semacgus de l'histoire du koumpala farci.

    â€“ Imaginez,
disait-il, l'évêque nous conviant à dîner,
moi et le gouverneur, et tellement impatient de nous faire apprécier
les talents de sa cuisinière, une signare du plus bel
effet et d'un âge fort peu canonique. Elle avait prévu
de faire du koumpala.

    â€“ Qu'est-ce
que cet animal-là ? dit Bourdeau.

    â€“ Imaginez
un crabe qui monte aux arbres.

    â€“ Je crois
que c'est le Chinon qui monte à la tête ! dit Bourdeau.

    â€“ Nullement.
Le koumpala monte au cocotier durant la nuit. C'est là qu'on
le surprend. Il faut ensuite le faire jeûner comme les
escargots pour le purger des mauvaises plantes qu'il aurait pu
manger. Ensuite, on l'ébouillante, on le travaille avec des
herbes locales et du piment, le plus fort que l'on trouve. On passe
le tout au four et c'est un plat qui...

    â€“ … rend
les hommes debout ! cria Awa, en montrant ses belles dents blanches.

    â€“ Elle
connaît l'histoire, dit Semacgus.

    â€“ Et alors ?
dit Nicolas qui ne comprenait pas.

    â€“ Et alors,
dit Semacgus, eh bien, on retrouva l'évêque dans le lit
de sa servante le lendemain matin : c'est un plat qui aurait fait
bander M. de Gesvres !

    La soirée
se termina fort tard devant le traditionnel carafon de vieux rhum.
Bourdeau fut porté à sa couche par ses deux amis mais,
au moment de sombrer dans l'inconscience, il essaya de parler à
Nicolas. L'Å“il

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