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Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz

Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz

Titel: Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Filip Muller
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conduisirent au bloc 11, dont la porte d’entrée était close, contrairement à ce qui se pratiquait dans les autres cantonnements de détenus. L ’Oberscharführer [2] Plagge l’ouvrit et nous fit entrer. Nous descendîmes dans le labyrinthe des couloirs menant aux cellules et aux cachots souterrains du bloc ; le silence n’était troublé que par le cliquetis des clés de Plagge. Le chef S.S. ouvrit une porte grillagée dont la serrure grinça, et nous débouchâmes dans le couloir central. Il y régnait une puanteur étouffante. Le corridor au sol noirci et graisseux par lequel on accédait aux cellules avait des murs blanchis à la chaux et il était éclairé d’une lumière fuligineuse. La cellule dans laquelle on nous poussa, Maurice et moi, n’avait ni fenêtre ni système d’aération. Elle mesurait environ 3 mètres sur 3. Lorsque le surveillant eut refermé la porte de la cellule, qui était doublée d’un revêtement de fer, ce fut l’obscurité complète. Nous nous laissâmes choir sur le sol et nous nous endormîmes aussitôt profondément.
    Lorsque je me réveillai, il devait faire jour depuis longtemps. Dans notre cellule, où ne pénétrait aucune lumière, nous entendions cependant des bruits de voix venant de l’extérieur. Nous n’avions aucun moyen de nous repérer dans le temps. Dans cet isolement, la vie du camp m’apparaissait comme le paradis perdu des libertés.
    Tels des animaux à l’abreuvoir, nous buvions l’eau d’un seau placé près de la porte. Tout mon corps me faisait cruellement souffrir. J’étais continuellement dévoré d’une soif ardente qui me faisait presque perdre la raison.
    Le bruit des clés, celui de l’ouverture de la porte grillagée et des cellules, les allées et venues des surveillants, toute cette activité entretenait chez les détenus incarcérés une tension difficilement supportable. Personne ne pouvait prévoir ce que signifiait l’ouverture d’un cachot. Ce pouvait tout autant être le retour à « la liberté du camp » ardemment désirée que le court trajet jusqu’au sinistre mur des exécutions où l’on recevait un coup de feu dans la nuque. C’était parfois pire : une enquête de la section politique de la Gestapo, autrement dit de longues et atroces séances de tortures.
    En revanche, nous notions comme de bon augure le moindre bruit et signe de vie venant de l’extérieur. Enfin, après une longue attente, la porte s’ouvrit, Schlage apparut et nous chassa dans le couloir où attendait un S.S. qui nous conduisit jusqu’à la porte principale du camp. Il devait être midi car le service des chambrées apportait, depuis le bâtiment des cuisines, des marmites de soupe de raves. Ces récipients étaient portés par leur anse sur de longues barres qui ployaient sous leur poids. Dans l’allée principale du camp, qui s’allongeait au soleil, il y avait un fourmillement de prisonniers. Ils vivaient derrière un réseau de barbelés, mais pour nous ils semblaient libres et ils nous faisaient envie. Certains nous dévisageaient, apparemment prêts à nous parler. Mais à la vue de nos mains, de nos visages couverts de boue, de crasse et de croûtes de sang, ils se détournaient craintivement. La plupart nous dépassaient sans faire attention à nous. Ils devaient souffrir de la faim et ils étaient sans doute obsédés par le rite de la distribution quotidienne de la soupe.
    Une ambulance militaire nous attendait devant la porte. Nous montâmes et trouvâmes à l’intérieur une marmite pleine de soupe fumante. Il y en avait bien vingt-cinq litres, soit environ trois litres pour chacun de nous. L’ambulance roulait depuis un moment. Après nous être remplis l’estomac avec ce maigre brouet de raves, je regardai autour de moi. Le soleil brillait au zénith au-dessus d’un paysage plat, sans arbres ni buissons. La route que nous suivions traversait des marais et des prairies marécageuses qui s’étendaient sur une terre argileuse, jaune rougeâtre. De tous côtés, on n’apercevait qu’un paysage désolé et désert. Loin à l’horizon, se dessinait le profil des Beskides \ Je ne pouvais plus réaliser qu’au-delà, à quelques heures de chemin de fer, se trouvait Sered, ma ville natale. C’était pourtant là que j’avais passé vingt années de ma vie avant d’être déporté ici, il y avait un mois. Mais ce mois me semblait long comme l’éternité.
    Lorsque l’ambulance s’arrêta, un S.S. ouvrit la

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