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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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inflexible, et, selon les païens, si criminelle. Les anciens
apologistes du christianisme ont censuré avec autant de sévérité que de
justice, la conduite irrégulière de leurs persécuteurs, qui, contre tout
principe de procédure criminelle, faisaient usage de la question pour arracher,
non l’aveu, mais la dénégation du crime qui était l’objet de leurs recherches [1628] . Les moines des
siècles suivants, qui, dans leurs solitudes paisibles, prenaient plaisir à
diversifier la mort et les souffrances des premiers martyrs, ont souvent
inventé des tourments d’une espèce plus raffinée et plus ingénieuse. Il leur a
plu, entre autres, de supposer que les magistrats romains, foulant aux pieds
toute considération de vertu morale et de décence publique, s’efforçaient de
séduire ceux qu’ils ne pouvaient vaincre ; et, que l’on exerçait par leurs
ordres, la violence la plus brutale contre ceux qui avaient résisté à la
séduction. Des femmes, que la religion avait préparées à mépriser la mort,
subissaient quelquefois une épreuve plus dangereuse, et se trouvaient réduites
à la nécessité de décider si elles mettaient leur foi à un plus haut prix que
leur chasteté. Le juge les livrait aux embrassements impurs de quelques jeunes
gens, et il exhortait solennellement ces ministres de sa violence à maintenir
de toutes leurs forces l’honneur de Vénus contre une vierge impie qui refusait
de brûler de l’encens sur ses autels. Au reste, ils ne parvenaient presque
jamais à leur but, et l’interposition de quelque miracle venait à propos
délivrer les chastes épouses de Jésus-Christ de la honte d’une défaite même
involontaire. Il ne faut pas, à la vérité, négliger d’observer que les mémoires
les plus anciens et les plus authentiques de l’Église [1629] sont rarement
défigurés par des fictions si folles et si indécentes [1630] .
    C’est par une méprisé bien naturelle que l’on a si peu
respecté la vérité et la vraisemblance dans le tableau des premiers martyrs.
Les écrivains ecclésiastiques du quatrième et du cinquième siècle, animés d’un
zèle implacable et inflexible contre les hérétiques et les idolâtres de leur
temps, ont supposé que les magistrats de Rome avaient été dirigés par les mêmes
sentiments. Parmi ceux qui étaient revêtus de quelques dignités dans l’empire,
on en voyait peut-être quelques-uns qui avaient adopté les préjugés de la
populace. La cruauté des autres pouvait être aigrie par des motifs d’avarice ou
de ressentiment personnel [1631] .
Mais on ne saurait en douter, et les déclarations que la reconnaissance a
dictées aux premiers chrétiens en sont un sûr garant, les magistrats qui
exerçaient dans les provinces l’autorité de l’empereur ou du sénat, et auxquels
seul on avait confié le droit de vie et de mort, se conduisirent, en général,
comme des hommes qui joignaient à une excellente éducation des mœurs honnêtes,
qui respectaient les règles de la justice, et qui avaient étudié les préceptes
de la philosophie ; la plupart refusaient le rôle odieux de persécuteur ;
souvent ils rejetaient les accusations avec mépris, ou ils suggéraient aux chrétiens
les moyens d’éluder la sévérité des lois [1632] .
Toutes les fois qu’on leur remettait un pouvoir illimité [1633] , ils s’en
servaient moins pour opprimer l’Église que pour la protéger et pour la secourir
dans son affliction. Ils étaient bien éloignés de condamner tous les chrétiens
accusés devant leur tribunal, et de punir du dernier supplice tous ceux qui
étaient convaincus d’un attachement opiniâtre à la nouvelle superstition. Se
contentant d’infliger des châtiments plus doux, tels que les emprisonnements,
l’exil ou l’esclavage dans les mines [1634] ; ils laissaient aux victimes infortunées de leur justice quelque possibilité
d’espérer qu’un événement heureux, l’élévation, le mariage ou le triomphe d’un
empereur, les rendrait peut-être bientôt, en vertu d’un pardon général, à leur
premier état. Ceux que le magistrat dévouait immédiatement à la mort, semblent
avoir été tirés des rangs les plus opposés ; ces martyrs étaient ou des évêques
et des prêtres, les personnages les plus distingués par leur rang et par leur
influence, et dont l’exemple pouvait imprimer la terreur à toute la secte [1635] , ou bien on
sacrifiait les derniers et les plus vils d’entre les chrétiens,

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