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La grande guerre chimique : 1914-1918

La grande guerre chimique : 1914-1918

Titel: La grande guerre chimique : 1914-1918 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Lepick
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tranchées, et commença sa progression en arrière du nuage de gaz. L’effet
du gaz fut immédiat, effroyable, presque indescriptible. Les premières lignes
alliées, au centre du dispositif, occupées par les troupes françaises,
devinrent aussitôt intenables et furent abandonnées sans résistance [203] .
D’abord, personne ne réalisa clairement la situation car les nappes de gaz
mêlées à la fumée des explosions noyaient et masquaient la presque totalité du
front. Épouvantés, suffoquant, des centaines d’hommes couraient vers l’arrière
à la recherche d’un air respirable, sans que rien ni personne, hormis l’asphyxie
qui étreignait leurs poumons en feu, ne puisse arrêter leur course folle. Tous
ces hommes paniqués et sans aucune protection se ruaient vers les villages de
Poperinghe et Ypres. En progressant, les troupes allemandes rencontraient un
paysage d’apocalypse. Les morts au teint verdâtre côtoyaient les agonisants
dont le corps était secoué de spasmes violents et la bouche emplie d’un liquide
jaunâtre. Le journal du colonel Peterson égrenait : « 18 h 05,
le nuage progresse dans la bonne direction ; 18 h 20, prise de
Langemarck ; 18 h 49, prise des hauteurs de Pilkem ; notre
infanterie a progressé de 4 km en trente-cinq minutes et, en beaucoup de
points, sans même tirer un seul coup de feu. » [204] Le village de
Langemarck, de sinistre mémoire pour l’armée allemande, fut pris en une heure
par la 51 e  division de réserve de von Hügel. Si le centre
de l’attaque allemande, entre les collines de Pilckem et le canal de l’Yser au
niveau des villages de Boesinghe et Het Sas, remporta un succès considérable,
les deux ailes au nord et au sud se heurtèrent à une résistance acharnée. En
effet, les unités allemandes furent retardées par la résistance inattendue sur
leurs flancs de troupes canadiennes (division Alderson) et françaises (90 e  brigade
du colonel Mordacq et territoriaux de la 174 e  brigade du
colonel Couillaud) qui avaient été épargnées par le gaz. Ainsi, les
archives officielles du Reich signalent que devant Steenstrate, région
où le gaz n’avait pas donné à plein, l’aile gauche de la 45 e  division
de réserve allemande se heurta à une forte résistance et le village ne fut
occupé que tard dans la soirée. Pour cette raison, la jonction prévue entre les
50 et 52 e  divisions allemandes ne put être effectuée que vers 22 heures,
ce qui eut pour effet de stopper temporairement la progression allemande [205] .
Peu avant minuit, les fantassins allemands reçurent l’ordre d’aménager leurs
nouvelles positions de la manière la plus solide qui soit [206] . Cette situation
permit aux Alliés de se reprendre et de jeter leurs réserves dans la mêlée [207] pour tenter de rétablir le front. Grâce à la défense héroïque de la 1 re  division
canadienne qui tenait les positions à l’est de Pilckem, et en dépêchant la 153 e  division
du 20 e  corps du général Deligny [208] , ainsi que deux
groupes d’artillerie de campagne, Foch parvint à stabiliser et bloquer l’avance
allemande qui s’élevait déjà à 7 ou 8 km [209] . Le colonel Mordacq,
qui commandait la 90 e  brigade française épargnée par le nuage
toxique, crut, lors des premiers appels téléphoniques, à un « dérangement
mental » des commandements de régiments. Pourtant, il dut constater
lui-même l’horreur de la situation quelques instants plus tard lorsqu’il vit
les premiers soldats refluer : « Partout des fuyards (…) hagards, la
capote enlevée ou largement ouverte, la cravate arrachée, courant comme des
fous, allant au hasard, demandant de l’eau à grands cris, crachant du sang,
quelques-uns même roulant à terre en faisant des efforts désespérés pour
respirer. (…) Jamais il ne m’avait été donné de voir un spectacle semblable,
une telle débandade. » [210]
    Au début du mois de mai 1915, devant la commission française
instituée « en vue de constater les actes commis par l’ennemi en violation
du droit des gens », le lieutenant Jules-Henri Guntzberger produisit le
témoignage suivant :
    « Le 22 avril vers cinq heures du soir (…) à
soixante-dix ou quatre-vingts mètres des tranchées avancées allemandes (…) mon
attention fut attirée par un de mes soldats sur des vapeurs qui s’élevaient en
avant de ces tranchées. J’ai vu alors un nuage de couleur verte, haut d’environ
dix

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