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Par le sang versé

Par le sang versé

Titel: Par le sang versé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
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presse, leste son bidon et attend son tour pour l’envoyer au fond du puits.
    Le lieutenant et les deux sergents sont partis s’asseoir à l’écart.
    « Au fait, Osling, questionne Mattei après un instant de réflexion, quelle est au juste la densité du sang humain ?
    –  Pensez à autre chose, mon lieutenant.
    –  Oui, vous avez raison. Vous avez trouvé un goût à cette flotte ?
    –  Je n’en sais sincèrement rien, j’ai bu en contractant mon estomac.
    –  Le goût c’est rien, interrompt Klauss, mais la couleur ! Je crois que dans un verre, je me serais dégonflé.
    –  Oh ! Ta gueule ! Tranche Osling. De toute façon, la seule vérité qu’ait dite le lieutenant, c’est que l’eau n’est sans doute pas nocive.
    –  Tu parles, elle doit même être fortifiante. »
     
    Cette nuit-là, les hommes n’ont dormi que deux heures. Le camp de nuit a été levé aux premières lueurs de l’aube et comme des automates les légionnaires ont repris leur harassante poursuite.
    Vers dix heures du matin, c’est le drame. Le sixième homme de la colonne saute sur une mine. Klauss, Mattei et trois légionnaires étaient passés avant lui – soit que tous les cinq aient posé le pied à côté, soit que l’engin capricieux n’ait explosé qu’à force de pressions. L’homme, un Belge, a été tué sur le coup et, derrière lui, un Français est tombé. Il s’appelle François Descola, il fait partie de ces quelques légionnaires romantiques qui s’engagent à la Légion par désespoir d’amour.
    Tout le monde, au bataillon, connaît par cœur son histoire, car il la ressasse inlassablement au troisième verre de bière : Descola habitait Poitiers, il était fiancé avec une voisine qui, séduite par un truand, disparut brusquement. Bouleversé, Descola se mit à la recherche de son amour envolé. Il lui fallut un an pour découvrir la trace de la fille qui se prostituait à Marseille dans le quartier de l’Opéra. Descola fit l’acquisition d’un couteau à cran d’arrêt, décidé à tuer son curieux rival. Il eut à peine le temps de sortir de sa poche son couteau tout neuf, que déjà il gisait par terre, la mâchoire fracassée. Le proxénète s’acharna sur le jeune garçon, lui brisant plusieurs dents et lui déchirant les deux arcades. C’est dans cet état piteux qu’il fit son apparition au centre de recrutement de la Légion étrangère d’Aubagne.
    Aujourd’hui, Descola se tord de douleur sur la piste, tâtant de ses mains ses multiples plaies, les yeux rivés sur le corps déchiqueté de son compagnon.
    Osling s’est empressé. Il injecte la morphine avant même d’examiner le blessé. Un coup d’œil lui suffit ensuite pour comprendre que l’homme est perdu. Sa cuisse gauche est ouverte du genou à l’aine ; en plus il a plusieurs éclats dans le ventre. Sans conviction, Osling saupoudre les plaies d’antibiotique et les panse avant de se tourner vers Mattei :
    « On le porte avec un bambou, mon lieutenant ?
    –  D’accord. »
    Un légionnaire s’éloigne aussitôt et va couper un long et solide bambou que l’on introduit dans la jambe du pantalon, sous le ceinturon et dans la chemise du malheureux dont la tête sera soutenue par un cheich noué autour du bâton. Deux hommes se saisissent des extrémités qu’ils disposent sur leurs épaules, soulevant le blessé qui pend sous le bois flexible.
    Descola a gardé toute sa conscience, et tandis que la colonne reprend sa marche après avoir enseveli son mort, il supplie Osling d’aller chercher le lieutenant qui progresse en tête.
    Osling transmet. Le lieutenant s’arrête et laisse remonter la colonne. Lorsque les porteurs parviennent à sa hauteur, il reprend la marche au côté du blessé.
    « Tu as demandé à me parler, Descola ? »
    Le mourant, le souffle court, articule péniblement :
    « M’enterrez pas sur place comme le Belge, mon lieutenant ! Jurez-moi, portez-moi jusqu’à un village.
    –  Qu’est-ce que c’est que ces salades ? Bien sûr on te porte jusqu’à un village, il n’est pas question que tu passes.
    –  Mais si, mon lieutenant ! Vous savez très bien que je vais crever. J’ai déjà porté un gus comme ça. C’est pénible tant qu’il est vivant. Mais une fois mort il se raidit et les porteurs ont moins de mal. »
    Mattei tique. Descola a parfaitement raison et il le sait.
    « Si ça peut te rassurer, je te donne ma parole d’officier que s’il

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